Ecrivain sensible, femme de théâtre complète, Marine Bachelot Nguyen a conçu un texte qu’Océane Mozas a recomposé pour un spectacle solo, qu’elle joue aux Plateaux Sauvages. Cela s’intitule Deux soeurs et cela parle du Vietnam de leurs ancêtres.
Au commencement, il y a deux mille ans, il y aurait eu deux soeurs. Les soeurs Trung. Ce sont elles qui ont galvanisé le peuple pour qu’il en finisse avec la domination chinoise d’alors.
Marine Bachelot Nguyen, une femme de théâtre très remarquable, a repensé à cette histoire des fondements du pays de ses origines, pour tresser avec subtilité l’histoire de sa grand-mère Nhan et de sa soeur Khieû qui avait préféré demeurer chez elle, au Nord Vietnam.
Océane Mozas, la merveilleuse interprète, se projette dans cette histoire. Et raconte la sienne, évoquant notamment sa propre grand-mère vietnamienne.
Tous les exils se ressemblent, par les chagrins, les regrets, les désirs de retours, les retrouvailles douloureuses, les blessures qui ne guériront jamais. Les non-dits, les abymes de silence. Mais la force aussi. La pudeur et la fierté. Une flamme qui peu vaciller mais ne s’éteint pas.
C’est à une sorte de cérémonie subtile que l’on assiste aux Plateaux Sauvages ces jours-ci. Seule en scène, magistralement accompagnée, une heure durant, Océane Mozas nous ouvre les portes de nacre de la célébration d’âmes pour certaines depuis longtemps envolées. Mais pas toutes.
Elle va et vient sur un plateau simplement dessiné : un bureau à jardin, et l’espace d’une scène libre, avec des effets de vidéo légers de Manuel Rufié et de très belles lumières de Philippe Fereira. Du son, aussi, pour ce lointain voyage. Aline Loustalot l’a conçu. On imagine qu’Océane Mozas a elle-même puisé dans sa garde-robe, pour ses costumes. Celui bien d’aujourd’hui, chemisier et pantalon, celui qui pourrait être plus traditionnel, très belle robe rouge , et large fleurs épanouies.
On admire, depuis ses tout débuts, Océane Mozas. Elle a toujours été douce, délicate dans sa manière de défendre les textes, les personnages. Seule en scène, elle est remarquable dans la finesse du jeu, la simplicité, quelque chose de vulnérable. Une présence de beauté, d’harmonie, une voix harmonieuse. Des silences, des sourires. Il y a quelque chose d’une prière dans le projet de Marine Bachelot Nguyen, dont on n’oublie pas, ici, aux Plateaux Sauvages, la puissante célébration de la militante, combattante, Tran To Nga, et de son livre Nos corps empoisonnés (en vente ces jours-ci encore aux Plateau Sauvages).
Pour Océane Mozas, également, il y a quelque chose d’une prière dans sa manière d’évoquer l’autre monde, cet autre monde dont elle est en partie issue. Dont elle a hérité et qui constitue, au plus profond, sa personne.
C’est très beau, très doux, très fort.
« Deux soeurs », spectacle créé au Théâtre de la Cité, à Toulouse. Ces jours-ci : Les Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières, 75020 Paris. Tél : 01 85 75 55 70. Jusqu’au 7 décembre. Durée : 1h00. Le texte est publié à L’Avant-Scène.
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