Journaliste, animateur, il avait d’abord choisi le théâtre. Grande voix légendaire de France Inter, il s’est éteint hier. Il avait fêté ses 90 ans le 25 juin dernier.
Longtemps, des milliers d’auditeurs se seront réveillés avec lui. La belle voix, claire et chaude de Louis Bozon, aura accompagné les travailleurs qui se levaient avant 7h00 du matin. Journaliste, animateur, homme de savoir et de culture, il donnait du courage, hiver comme été, automne comme printemps, aux étudiants, aux professeurs, aux employés…A tout le monde. Il avait l’art de partager, d’accrocher à l’actualité des anecdotes, des événements. Il était d’une très grande culture et assurait, avec élégance et esprit, une tranche très importante pour une radio généraliste… Cela s’intitulait, Réveillez-vous, on s’occupe du reste ! Après, venaient les journaux. Et, à 9h00, Pierre Bouteiller et Pierre-Yves Guillen. Pétillants et aigus. Comme Louis Bozon.
Evidemment, si un public très large le connaissait et l’admirait, c’était pour Le Jeu des mille francs, à l’heure du déjeuner. « Chers amis, bonjour ! ». Treize riches années durant, de 1995 à 2008, il fut l’animateur enjoué et fraternel de cette émission légendaire. Il avait succédé à Lucien Jeunesse, le bien nommé. Il était sur les routes, tout au long de l’année, quittant son appartement, au pied du Trocadéro, non loin de la Maison de la Radio, pour nous raconter la France. C’est lui qui lança une formule spéciale pour les jeunes. Plus tard, il rédigea un très joli livre sur ces voyages au long cours : Mes petits sentiers (Toucan, 2010). « A demain, si vous le voulez bien ! » nous disait-il en manière d’au-revoir.
Mais il faisait bien d’autres voyages. Il avait parcouru la planète à la rencontre de grandes civilisations, mais il aimait aussi beaucoup les Etats-Unis et y avait beaucoup d’amis.
Hier, chez lui à Paris, face aux ailes du Moulin Rouge, il s’est éteint brutalement, sans doute victime d’une crise cardiaque.
Né à La Tronche, en Isère, à côté de Grenoble, le 25 juin 1934, il s’était formé comme comédien. Premier prix d’art dramatique au conservatoire de la ville, il avait été admis rue Blanche. Un physique de jeune premier, une voix rare, une sensibilité profonde. Il pourrait continuer sur cette voie du jeu. Mais en fait, sa passion était le partage et en 1957, il est très jeune encore, il entre à la RTF, bientôt l’ORTF.
Dès 1965, il est engagé à France Inter. Il développe cet art d’émissions de divertissement qui sont aussi sources d’information. Mais attention : rien à voir avec de l’info-divertissement comme aujourd’hui. C’est parce qu’il est d’une culture profonde qu’il distille des savoirs délicieux. C’est un rieur, Louis Bozon. Un citoyen grave, sérieux, mais lucide et drôle.
Fidèle en amitié et en amour, et l’on pense aujourd’hui à ses proches, il a vécu une histoire exceptionnelle avec Marlene Dietrich. Trente ans durant, il a été son confident, son recours, son compagnon de sorties, au théâtre, au cinéma, au concert, dans les soirées, parfois, mais Marlene était une femme sauvage peu sensible aux mondanités. Elle l’aimait comme un ami essentiel, un homme en qui elle avait choisi de se confier sans mensonge, d’être elle-même. C’est-à-dire d’être une femme pas simple, passant par des émotions très irisées, du plus doux au plus furieux. Un grand caractère, Marlene. Star et popote comme l’écrivait Louis Bozon dans le beau livre, pudique et digne qu’il a consacré, quelque temps après la mort de Marlene Dietrich à ses souvenirs : La Femme de ma vie est un très beau livre, unique et frémissant de ferveur (Michel Lafon, 1992 et republié en 2012).
Cette femme, l’une des plus belles de l’histoire du cinéma, était aussi un être qui pouvait respirer dans la simplicité matérielle de la vie. Ravaudant ses vieux coussins et faisant divinement la cuisine…Louis Bozon aura eu le privilège d’avoir les clés de l’appartement de l’avenue Montaigne. Il ne s’en servit jamais que dans l’inquiétude, mais elle pouvait l’appeler vingt fois par jour. Sa si belle voix, sa beauté, sa lumière, tout cela nous rappelle cette histoire extraordinaire. A lire.
Et vous retrouverez Louis Bozon, dans les archives radio ou télévisées, disponibles gratuitement, ici et là.
Quand on est journaliste, on s’inscrit dans le pas de ceux qui sont, de quelques années, nos aînés : par son art d’être rigoureux sans raideur, engagé sans superbe, vrai et délicat et discret, on peut s’inspirer du « parler vrai » de Louis Bozon. Mais on n’a pas tous une aussi belle voix !
Ses proches, sa famille, ses amis lui diront adieu le 19 juillet à 10h30, au Funérarium du Père-Lachaise.