Il venait d’avoir 90 ans. Le coronavirus a eu raison de lui. Il était grave et léger, comme quelqu’un qui n’a jamais rompu avec l’enfance. Sa carrière est l’une des plus belles de sa génération, au théâtre, au cinéma, à la télévision.
Son doux regard bleu, sa malice, sa grande carcasse avec ses bras en mouvement léger et ses mains grandes et fines, aussi expressives que sa voix tendre et lointainement plaintive nous demeurerons toujours au cœur.
Il ressemblait aux personnages de Jean-Michel Folon, qui s’envolaient, avec leurs bras comme des ailes, des pagaies céleste.
On ne refera pas ici le parcours long, riche, extraordinaire de ce comédien exceptionnel, unique et merveilleux dans tous les univers possibles. Des dizaines de films, des dizaines de pièces de théâtre, autant de téléfilms de haute qualité.
Il tourne sans cesse, malgré ses occupations très prenantes sur scène. De René Allio à Jean-Pierre Jeunet ou Alain Resnais, en passant par Claude Goretta, Christine Lipinska ou Serge Gainsbourg, côté septième art, il est aimé des plus grands et fait confiance aux jeunes.
Au théâtre, tout le monde a souhaité le faire travailler tant sa personnalité était forte, singulière. De Guy Rétoré et Roger Planchon, à ses débuts et longtemps, après le cours Dullin, et jusqu’à la Comédie-Française, bien sûr, de 1994 à 2009, en passant par Gabriel Garran, Sacha Pitoëff, Pierre Debauche, Claude Régy, Roger Blin, Jean-Louis Barrault, Lucian Pintilié, Jean-Pierre Miquel, Marcel Maréchal, Alain Françon. Il en retrouverait beaucoup à la Comédie-Française, d’ailleurs. Et au-delà : Denis Podalydès lui offre Les Méfaits du tabac, en 2014, aux Bouffes du Nord. Michel Robin était fait pour Tchekhov. Un an auparavant, Alain Françon l’avait distribué dans Solness le constructeur d’Ibsen à la Colline et, en 2011 dans Fin de partie de Samuel Beckett, à la Madeleine.
A la télévision également, il a énormément travaillé. Jean-Claude Averty l’adorait Il a tourné des dizaines de films, participé à des séries, et puis terminé avec ces deux adaptations issues du Français : La Forêt d’Alexandre Ostrovski par Arnaud Desplechin et Les Trois sœurs d’Anton Tchekhov par Valeria Bruni-Tedeschi. C’était en 2014.
Pour tant de talent, tant de rôles différents, tant de finesse et de présence inoubliable, cet être taillé dans l’étoffe des trésors vivants du Japon, n’a eu que très peu de reconnaissance en matière de prix. En 1979, un prix d’interprétation à Locarno pour Les Petites fugues d’Yves Yersin et en 90, un Molière du comédien dans un second rôle pour La Traversée de l’Hiver de Yasmina Reza, dans une mise en scène de Patrice Kerbrat. Alors que Michel Robin était unique, grand. Mais modeste, mais discret, mais plein d’humour, de fantaisie, d’intelligence. Un grand coeur, une âme forte, un esprit ardent.
Il était d’un grand sérieux, d’un amour absolu, lorsqu’il parlait de sa fille, sa championne d’équitation devenue une grande.
Pour lui rendre hommage la Comédie-Française a remis en ligne une rencontre qui avait eu lieu alors qu’il avait 88 ans (« mais cinq ans d’âge mental », comme il l’avait précisé). Il est interrogé par Mathilde Serrell. Il est bon de l’entendre.