Nous republions ici un article qui date du 1er mars 2022. L’artiste et son spectacle n’étaient pas encore très connus. Depuis un long chemin s’est ouvert, et les voyages ont mené Nil Bosca jusqu’en Turquie et à Avignon, notamment. Si vous n’avez pas vu « Euphrate », vous devez vous précipiter au Théâtre de la Cité Internationale.
Elle se prénomme Nil, elle a écrit « Euphrate ». Elle raconte le long parcours qu’elle a suivi pour advenir à elle-même. Elle est brillante, touchante et drôle.
Elle est fine et souple comme un roseau d’Euphrate, vive comme un jeune tigre. Elle aurait pu s’appeler Tigre, d’ailleurs, mais elle, qui se prénomme Nil, a donc choisi l’Euphrate. Drôle de nom pour une fille. Mais le grand fleuve du berceau de la civilisation, celui qui coule non loin l’ancienne Babylone, prend sa source en Anatolie et bien plus loin, forme avec le Tigre, qui lui traverse Bagdad, la vaste plaine de Mésopotamie…
On n’a pas demandé à Nil pourquoi elle se prénommait ainsi. Nil lui va. C’est peut-être turc, puisque ses ancêtres, côté paternel, sont de là-bas. Sa maman, elle, est normande. La vraie Nil prête à Euphrate les mêmes origines. Elle dit avoir une trentaine d’années et qu’Euphrate, elle, en a à peine dix-sept.
On les croit. Nil Bosca vient de jouer, quelques jours durant, ce spectacle, Euphrate, dans le cadre chaleureux du Lavoir Moderne Parisien.
Un portant avec des vêtements, des foulards, une table, une chaise, une grande besace de toile grège, c’est à peu près tout ce qu’il faut à Euphrate. Elle est à l’âge des choix. Très important, d’autant que son père attend beaucoup d’elle. Elle se démène, elle court, elle raconte, elle ne cesse de changer d’orientation, littéralement.
Son grand regard s’affole. Elle danse sur des musiques très toniques. Mais c’est une mélancolique, une jeune fille qui doute. On vous laisse découvrir le large éventail de ses tentations. Ce côté aiguille de boussole qui tremble avive son charme et sa vérité.
Qui ne se reconnaîtrait pas dans ces doutes, ces hésitations, ces repentirs ?
Comédienne, Nil Bosca excelle à changer de registre, à briser les états d’âme. Elle a une très belle voix parlée. Elle danse comme une flamme, elle chante magnifiquement. Elle a des dons profonds et une sensibilité bouleversante.
Elle se réfère à une femme que nous découvrons, une comédienne, la première actrice musulmane en Turquie, Afife Jale. Elle était née en 1902. Une pionnière. Elle est morte jeune, en 1941, mais sa légende brille encore.
Cette grande traversée, ce roman d’apprentissage, en quelque sorte, dure une petite heure et quelques minutes. On voyage, on traverse avec Euphrate/Nil, toutes sortes d’émotions. On rit énormément, car Nil Bosca possède cette rare vertu : elle est drôle, elle est à la fois spirituelle et va jusqu’aux clowneries sans rien perdre de sa grâce électrique.
Ce petit bijou de spectacle se donne dans les lumières caressantes de Geneviève Soubirou et le son bien tempéré de Stéphanie Verissimo. Pour l’écriture, Nil Bosca a demandé à Hassam Ghancy et Alexe Poukine de prêter leurs plumes, pour la mise en scène, Stanislas Roquette et Olivier Constant ont veillé sur elle. Ajoutons pour la danse, Chrystel Calvet et encore Cerise Guyon et Frédéric Le Van. Elle en a des amis talentueux, la précise et précieuse Nil Bosca. Elle les cite tous. Elle n’est en rien solitaire…
Théâtre de la Cité Internationale Universitaire, salle La Resserre, les lundi et mardi à 20h00, les jeudi et vendredi à 19h00, le samedi à 18h00. Durée : 1h15. Tél : 01 85 53 53 85. A partir de ce soir, 6 novembre et pour deux semaines.