Odette Aslan, une vie pour la scène

Radio, télévision, articles, livres, elle aura, des dizaines d’années durant éclairé le monde des arts du spectacle. Elle s’est éteinte le 17 juillet, au travail presque jusqu’à son dernier souffle. Ses amis, sa famille lui diront adieu mardi 23 juillet, à 14h15, au cimetière de Bagneux.

Les arts de la scène, ce n’est pas comme le 7ème art : on ne rattrape jamais ce que l’on n’a pas pu voir. Au cinéma, on accède aux films, on peut les visionner, se faire un avis. Pour le théâtre, la danse, l’opéra, le mime, le cirque, on ne peut pas. Et même si, depuis quelques années, des productions font l’objet de transcriptions vidéo, on ne saisit vraiment la réalité des événements que par des témoignages. Par la sensibilité de ceux et celles qui étaient là.

Odette Aslan était là. Odette Aslan, sa bienveillance sans faiblesse, son inextinguible soif de voir, de connaître, de partager, vont nous manquer beaucoup. Son amie Béatrice Picon-Vallin, grande figure de la recherche, au CNRS, et bien au-delà, en témoigne, Odette Aslan a travaillé presque jusqu’à son dernier souffle. Elle était née le 8 juin 1926.

Il y a quelques mois, avait été publié un ouvrage, rigoureux et chaleureux, comme elle savait si bien les composer, La Comédie-Française et les metteurs en scène. Nous avions rendu compte de ce livre dans les colonnes de ce blog (septembre 2023).

Odette Aslan était une femme intimidante, lorsqu’on ne la connaissait pas. Derrière ses lunettes, son regard n’était pourtant qu’accueil, amitié. Son élégance classique, son esprit aigu, toujours en quête des nouveaux chemins frayés par la jeunesse, servaient de modèles aux étudiants comme aux personnes du métier.

Elle a été une pionnière. A la radio, pour des adaptations, des émissions culturelles, comme à la télévision, du temps de cette « école des Buttes-Chaumont », dont certains représentants étaient issus du théâtre et étaient devenus d’excellents réalisateurs.

Elle fut directrice littéraire du Théâtre des Nations, et, plus tard, collabora longuement au laboratoire de recherche sur les arts du spectacle du CNRS. La liste des ouvrages qu’elle a dirigés, composés, est longue et on peut la lire et la relire. Elle adorait les répétitions et prit souvent le temps, dans sa vie, de suivre les spectacles du premier jour à celui de l’éclosion. Elle était passionnée par l’étrange alchimie. Avec Giorgio Strehler, c’était facile, il aimait livrer au jour le jour son travail, avec Patrice Chéreau, c’était plus complique.

Lisez donc les ouvrages d’Odette Aslan : dans « Les Voies de la création théâtrale, éditions du CNRS, il y a Le Corps en jeu, Matthias Langhoff, Patrice Chéreau. Dans la collection «Mettre en scène », éditions Actes Sud-Papiers, il y a Ingmar Bergman  en 2012,  Georges Pitoëff en 2016.

D’autres livres sont publiés à L’Age d’Homme : Metteurs en scène et scénographes au XXème siècle (2014), et aux éditions Entretemps, a été repris L’Acteur au XXème siècle (Seghers 1974-Entretemps 2013). Elle s’est également intéressée à Jean Genet, à Roger Blin.

Ses curiosités ne s’arrêtaient pas au seul domaine de l’art dramatique. Dans ses grandes années, elle sortait tout le temps et suivait la danse, la musique, le cirque et ses métamorphoses. Elle accueillait avec générosité les journalistes des générations nouvelles et s’entretenait volontiers avec eux. C’est le mot qui revient : elle nous éclairait.

Rendez-vous ce mardi 23 juillet, à 14h15. Cimetière de Bagneux, dans l’un des carrés des tombes juives. Renseignements à l’entrée.