Au Rond-Point, Marie Piemontese et Florent Trochet ont écrit et mettent en scène un récit-enquête qui, sous le titre de « Les Vies authentiques de Phinéas Gage », nous plongent dans un univers très particulier et séduisant.
Phineas Gage n’est pas un personnage de théâtre. Américain, il était né le 9 juillet 1923 et mourut le 21 mai 1860, à trente-six ans à peine. Il est connu aux Etats-Unis et dans le monde de la neurologie, comme un cas. Mais tout demeure peu avéré dans sa courte vie. L’unique fait certain est le terrible accident que ce jeune homme subit. En 1848, contremaitre sur un chantier de construction de chemin de fer, il doit faire sauter des rochers très résistants, sous la contrainte de ses supérieurs. Il était pour contourner cet obstacle, mais les donneurs d’ordre ne veulent que des lignes droites…
En manipulant de la poudre, en oubliant de prendre les justes précautions, il provoque une explosion. La barre à mine lui transperce le crâne. Il survit, diminué et, selon les observateurs de l’époque, avec un caractère très différent de celui qu’on lui connaissait.
On n’a pas envie de déflorer le spectacle. Original, elliptique, énigmatique, même, d’une certaine manière, il tient d’abord au récit d’une jeune femme qui porte le spectacle, libre et fluide.
Les personnages ont des désignations singulières : Shams El Karoui est « celle qui est comme une soeur », Yohanna Fuchs, « la présence surgie de l’accident », Eric Feldman, « lui », Philippe Frécon, « l’autre », et William Stoppa, « la voix du fameux Barnum ».
Sur un plateau qui apparaît difficilement lisible, mais donne de l’air, littéralement, on nous raconte une histoire, l’histoire d’un homme, d’une époque. Un destin. Des savants ont étudié le cas Gage. Son crâne. La trajectoire de la barre à mine. Les dégâts irréversibles. Les mystères : on n’est pas sûr du « barnum » dans lequel il fut engagé…
Marie Piemontese, que l’on connaît aussi par son parcours avec Joël Pommerait et Florent Trochel, n’en sont pas à leur premier travail. Ils se penchent sur des sujets forts et séduisants. Ils les saisissent d’une manière très particulière. On ne peut s’en détacher et si l’on ne comprend pas tout, ce n’est pas grave : cela n’enlève rien au bonheur théâtral.
On n’en dira pas plus dans ce cadre, crainte de corroder une proposition cohérente et forte. Et, en même temps, divertissante, émouvante, drôle parfois. On dit « bravo » et cela suffit : découvrir est consubstantiel à l’univers de Piemontese et Trochel; avec ces lumières et cette scénographie de Trochel lui-même, ce son, ce jeu du « live » et de l’enregistrement, des micros, très subtilement utilisés.
Théâtre du Rond-Point, salle Jean-Tardieu, à 19h30 du mardi au vendredi, 18h30 le samedi, 15h30 le dimanche. Durée : 1h30. Jusqu’au 25 mai. Réservations au 01 44 95 98 21.