Seul en scène, le comédien innerve le texte de l’écrivain et metteur en scène, d’une force sans brutalité qui apporte de la lumière aux mots de « Kolizion ».
On les connaît tous les deux. Le porteur de la parole, Radouan Leflahi, présence forte, charme puissant. Mais l’interprète est ennemi de toute démonstration. On l’a toujours connu dans la sobriété, même dans la joie éclatante d’incarner le Dom Juan de Molière, sous la direction de David Bobée, par exemple. Il avait déjà beaucoup travaillé avec celui qui est aujourd’hui au Théâtre national de Lille. Il a tourné pour le cinéma, pour des séries. On le reverra beaucoup dans les années qui viennent.
L’écrivain et metteur en scène, Nasser Djemaï, est une personnalité forte du paysage théâtral et l’on n’oublie pas ses pièces qui puisent, dans l’Histoire, des situations dramatiques fertiles. On n’oublie pas le comédien d’Une étoile pour Noël , il y a près de vingt ans. Puis toutes ces pièces qui disent ses origines, qui disent l’enracinement en France, dans la langue française. Hommes et femmes y sont présents avec sensibilité et profondeur. Invisibles, magnifique mise en lumière du sort de Chibanis d’après des paroles recueillies, tout comme Vertiges, Héritiers, Les Gardiennes, nous ont tous frappés par leurs constructions, leurs styles. Et par les personnes que l’on voyait vivre devant nous.
Kolizion est un texte difficile. Il va et vient, faux récit de formation, fausse fable, faux conte. Difficile de savoir ce qui est puisé dans le vif de la vie de l’écrivain, difficile de savoir lorsque l’on est dans le rêve, sinon le délire d’un homme qui semble prétendre nous livrer la vérité de son destin. Un personnage combattant. On le suit.
Sur un plateau un peu encombré, car le comédien va d’un espace à l’autre, selon les épisodes de sa vie, Radouan Leflahi offre sa présence magnétique, ses dons oratoires (voix harmonieuse, très bien placée, son énergie sans brutalité), son charme, sa beauté nocturne, au personnage.
Mais on lui demande un peu trop. Une heure quarante. Des glissements, des ruptures. Le texte est difficile et mériterait sans doute d’être un peu resserré. Après les représentations de la Manufacture des Œillets, Théâtre des Quartiers d’Ivry, que dirige brillamment Nasser Djemaï, on imagine sans peine que la représentation va être resserrée. Certains épisodes éclaircis, certains passages rendus plus simples.
On compte profondément sur ces théâtres de langue française, ces artistes français, issus d’horizons parfois lointains, et qui sont la sève de la littérature et de l’interprétation, en France, aujourd’hui.
C’est ici, au Théâtre des Quartiers d’Ivry, qu’a été créé Par les villages, qui électrise la grande salle du Centre Georges-Pompidou, avant de retrouver le lieu de sa naissance, fin janvier –voir juste avant, dans ce blog.
Théâtre des Quartiers d’Ivry, centre dramatique national du Val-de-Marne. Jusqu’au 20 décembre. Tél : 01 43 90 11 11. Puis en tournée MC2 Grenoble du 4 au 7 février, Les Passerelles de Pontault-Combault le 7 mars,, etc. La tournée se poursuit jusqu’en avril. Avec le Théâtre Joliette du 20 au 22 mars, la Scène de Bayssan, du 25 au 30 mars. A Sartrouville, centre dramatique des Yvelines le 3 et 4 avril, le Théâtre de Nîmes du 9 au 11 avril.
Le texte est publié par Actes Sud-Papiers (13€) et en version numérique, 9,99€.