Universitaire brillant, critique dramatique, écrivain, directeur marquant du théâtre et des spectacles, il a consacré sa vie à toutes les formes de défense de l’art dramatique. Il s’est éteint le 15 juillet.
Décidément, ce juillet est bien triste. Après Laure Guizerix, Angélique Ionatos, Michel Dubois, Gérald Châtelain, Ariel Goldenberg, c’est Robert Abirached qui nous quitte. Né à Beyrouth le 25 août 1930, il avait 90 ans.
Il était né au Liban et son enfance, sa jeunesse dans un pays du Cèdre alors très francophone, avec une tradition de culture profonde, l’a naturellement conduit à Paris pour préparer le concours de Normale Sup’ à Louis-le-Grand. Il intègre l’école en 52 et réussit l’agrégation de lettres classiques en 56.
Très tôt il se tourne du côté de l’édition et de l’intérêt pour les aventures neuves. Il est un héritier du « théâtre service public » de Jean Vilar, et, dès les débuts du festival international universitaire de Nancy, il suivra avec grande fougue le trajet de Jack Lang, qui lui demandera, des années plus tard d’être le directeur du théâtre et des spectacles, de 1981 à 1988.
Entretemps, il a publié Casanova dans la Pléiade, composé un essai sur l’aventurier et mémorialiste, Casanova ou la dissipation, et publié un roman, L’Emerveillée. Très tôt, il collabore à plusieurs revues, comme analyste et comme critique littéraire et dramatique pour Etudes, La Nouvelle Revue Française, Le Nouvel Observateur.
En 68, il est à la Sorbonne, assistant en littérature française. Puis, vient le moment de l’Université de Caen, où il fonde un Institut d’études théâtrales très fertile. Il avait donné sa bibliothèque, il y a quelques saisons, à cette institution (et aussi à l’Université de Tunis). C’est là, à Caen, qu’avait été formé Jean-Loup Rivière, qui fera ensuite un long parcours, notamment comme conseiller littéraire de la Comédie-Française et est décédé prématurément en 2018.
Robert Abirached était un passeur. Il reprendra son métier d’enseignant en 1988, après avoir quitté à sa demande, en octobre 88, la direction du théâtre et des spectacles. Il rejoint Paris-Nanterre pour diriger le département des spectacles qu’il quittera en 99. Il a formé des centaines d’étudiants et reconnu très tôt les grands talents. Lorsqu’il était à la direction du théâtre, à l’orée des années 80, il avait soutenu Pierre Audi, aujourd’hui directeur du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, pour être à Londres, avec l’Almeida, un foyer de création française, mais pas seulement.
Il n’avait cessé de travailler, d’écrire. Il avait accompagné Jean Vauthier, composé des essais que l’on peut toujours relire : La Crise du personnage dans le théâtre moderne (Grasset 78, réédition Gallimard, 94), Le Théâtre et le Prince, et dirigé une somme sur la décentralisation (aujourd’hui chez Actes Sud) et le tome du XXème siècle de l’encyclopédie de L’Avant-Scène (2011).
Robert Abirached avait également écrit une pièce de théâtre, Tu connais la musique, jouée à l’Odéon et dans d’autres centres dramatiques.
Grand serviteur de l’Etat, il était comblé d’honneur : officier de la Légion d’Honneur, Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres, de l’ordre national du Mérite, des Palmes académiques. Il avait reçu le prix Sainte-Beuve dès 61 et la Médaille Beaumarchais de la SACD, en 84.
Affable, avec une diction précipitée qui disait l’enthousiasme et la célérité à partager, vif, toujours en éveil, il avait rêvé un moment jeter des ponts entre le secteur public et le secteur privé. Une idée sans cesse reprise depuis.