Avec un spectacle intitulé « On m’a trouvée grandie », l’artiste nous conduit du côté de la Salpêtrière à la toute fin du XIXème siècle, au tout début du XXème. Intelligence, délicatesse, magie s’unissent ici merveilleusement et nous donnent à réfléchir tout en nous bouleversant.
Valentine Losseau est une exploratrice. Une voyageuse des horizons lointains. Elle est, avant tout, observatrice et analyste des manières, des us, des savoirs des hommes et des femmes, ici et là. Anthropologue, Valentine Losseau a voyagé et étudié,notamment, les cultures pré-colombiennes d’Amérique du Sud. Elle est une savante reconnue et participe à des recherches, des colloques. Il y aurait des pages et des pages à consacrer à ce fondement de l’esprit de Valentine Losseau.
Forte du merveilleux bagage qu’elle n’a pas délaissé depuis ces années d’aventure, Valentine Losseau n’a jamais quitté le fil de la représentation. Elle n’est jamais seule lorsqu’il s’agit de donner à approcher les mystères de la scène. Elle a cofondé, en 2020, avec Raphaël Navarro, maître en magie « nouvelle », et Clément Debailleul, une compagnie nommée 14:20. Ensemble, ils ont multiplié les manifestations -à nos yeux de spectateurs- extraordinaires : vol humain, lévitation, technologies sophistiquées d’invisibilité, hologrammes, etc.
Avec eux, les prodiges ne sont pas des « effets ». Ce sont des manières de rendre compte des mystères mêmes de la vie et de les donner à voir et à comprendre par des spectacles.
Ici, sous ce titre très simple -car on imagine bien quelqu’un dire cela- et très mystérieux en même temps -puis que l’on ne sait rien des circonstances, sauf qu’il s’agit d’une femme- on assiste à un moment très étrange et très bouleversant de « théâtre ».
Valentine Losseau s’est inspirée de l’histoire vraie d’une patiente du Docteur Pierre Janet. Un humaniste qui officiait dans les années 1890-1910 à la Salpêtrière. Il avait étudié la philosophie à la Sorbonne avant de devenir médecin. Psychologue, psychothérapeute, neurologue, il serait celui qui reconnut le « subconscient » et créa le mot.
La patiente pour laquelle Valentine Losseau a conduit nombre de recherches et une enquête précise, se nommait Madeleine. On est au temps où, à la Salpêtrière, ces femmes en souffrance, régnait Charcot. On parlait d’hystérie, d’hystériques.
Pierre Janet écoute. Tente de comprendre.
Madeleine, que Valentine Losseau et ses amis font revivre, est entrée à la Salpêtrière en 1896. Elle s’est toujours déplacée sur la pointe des pieds. Elle pense qu’elle a lévité, parfois.
Valentine Losseau a conçu le propos, élaboré le spectacle et sa dramaturgie. Madeleine est incarnée par une danseuse et chorégraphe, Leïla Ka. Face à elle, le jeune docteur Pierre, Yvain Juillard que l’on connaît puisqu’il a été le Louis XVI de Joël Pommerat dans le spectacle sur la révolution française et que, fasciné par le cerveau -et savant mathématicien et neurologue- il a écrit et joué Cerebrum, pépite dramatique et scientifique. Sa haute silhouette, sa voix douce, attisent l’inquiétude…
Dans ce spectacle, évidemment élaboré avec Raphaël Navarro qui signe la co-mise en scène, et signe également les effets magiques avec Valentine Losseau. on retrouve d’autres interprètes essentiels, tel l’époustouflant David Murgia ou encore la bouleversante interprète de Laetitia, Delphine Lanson, autre pensionnaire de l’époque et Florence Peyrard, qui chante, danse, joue. Tous les artistes excellent dans des disciplines différentes.
De nombreux artistes sont actifs dans ce spectacle unique. Nous en reparlerons. Pour le moment, réservez vos places. C’est aussi beau que déchirant, puissant, profond.
Vu au Théâtre des Quartiers d’Ivry où le spectacle s’est donné les 15 et 16 mars, avant les représentations de La Grande Halle de La Villette, du 26 au 29 mars prochains.. Les 26 et 28 à 20h00, le 27 à 19h00, le 29 à 18h00. Durée : 1h30;