Au Théâtre de la Bastille, le duo issu de l’Ecole de Liège, Eléna Doratiotto et Benoît Piret, reprend, quatre ans et plus après la naissance du spectacle, « Des caravelles et des batailles », variation sur l’aventure du retrait, portée par six interprètes épatants.
Inutile de s’appesantir : courrez donc rue de la Roquette et embarquez-vous sur ces flots, laissez-vous happer par ces courants océaniques. Parfois, un coup de vent vous emportera dans les airs. Abandonnez la moindre velléité de (tout) comprendre.
En même temps, vous allez, bizarrement, vous trouver en terrain connu. En montagne. Et même si vous n’y avez jamais mis les pieds, vous reconnaissez. Malgré le grand plateau vide du Théâtre de la Bastille. Planté au centre, légèrement décentré, un pin de planches ! On l’appelle le « totem » et bientôt l’une des protagonistes vous explique qu’il s’agit d’un étai qui fait tenir le plafond….
Terrain connu : les retraites étranges. Vous avez forcément des amis –ou des amis d’amis- qui payent des fortunes pour jeûner… Des mécréants qui se retirent dans des couvents. Des évaporées qui rêvent de transfiguration.
Lorsque vous pénétrez dans la grande salle de la Bastille, il y a des « gens » sur le plateau. Ils parlent ensemble mais on ne les entend pas. Ils marchent, font les cent pas. Ils attendent.
Et puis un jeune homme, sac à dos, allure de randonneur, surgit du fond de la salle.
Il est accueilli chaleureusement par les autres et pris en mains : on lui fait découvrir les grandes scènes qui ornent le hall. Les caravelles arrivent de l’ancien monde, le peuple Inca va être défait, détruit. Va disparaître.
Rien à voir apparemment avec le lieu, la situation. D’ailleurs, le marcheur s’interroge : « ça a commencé ? ». Quoi ? L’entourloupe. Le stage ? La retraite spirituelle ? La mise à l’épreuve ?
C’est « Des caravelles et des batailles ». Saluons Eléna Doratiotto et Benoît Piret, qui appartient par ailleurs au Raoul Collectif, les auteurs-manipulateurs et interprètes, et leurs camarades, aussi sérieux dans cet univers de folie silencieuse –la vie contemporaine, mode d’emploi- Anne-Sophie Sterck, Salim Djaferi, Gaëtan Lejeune, Jules Puibaraud.
Riez, riez, malgré l’amertume qui envahit le cœur : ces artistes sont des moralistes qui nous montrent la bêtise de notre société. On est en Europe. De nos jours.
Théâtre de la Bastille, à 20h30 du lundi au samedi, relâche le dimanche. Jusqu’au 21 avril. Durée :1h45. Tél : 01 43 57 42 14.