Xavier Durringer, l’impossible consolation

Ecrivain de théâtre et de cinéma, metteur en scène, réalisateur, mais également romancier, cet être à fleur-de-peau n’appartenait à aucune école. Esprit libre, homme libre, il s’éteint à 61 ans. Le cœur a lâché.

Il y avait en lui autant de fragilité que de férocité. Physiquement, il avait toujours donné le sentiment d’une certaine force. Jeune, athlétique mais pas immense, nerveux, prêt à en découdre, intellectuellement mais aussi, si cela avait pu s’avérer la bonne réplique, au poing, le jeune Xavier Durringer avait frappé dès ses premiers spectacles. Il avait alors vingt ans et quelque.

Un ton, un style, une force dans le déploiement des histoires, par l’encre et sur le plateau. Il ne se revendiquait d’aucun maître, d’aucune école. Il avait la passion du théâtre et des destins. Il y avait en lui la puissance d’un grand écrivain, et du théâtre au cinéma, en passant la discipline du roman, il aura tout affronté et brillamment réussi.  

Il avait du charme. Un visage à jouer les jeunes premiers romantiques, un timbre de voix ferme mais feuilleté de chagrin, un regard, une tignasse de brun ténébreux. Avec le temps, il s’épaissit un peu, se voulut barbu parfois. Mais on reconnaissait toujours le jeune homme en colère, l’enfant orphelin de toujours dont la maman était morte en le mettant au monde. Une des plus moches formules de la réalité.

Il était né le 1er décembre 1963. Il aurait donc eu 62 ans à la fin de l’année. Au moment de le saluer, on n’oublie pas les femmes qui l’on accompagné, ni ses enfants. Ni tous les comédiens qu’il a dirigés, au théâtre comme au cinéma. Des jeunes devenus des artistes très connus, Vincent Cassel, Clovis Cornillac, Pascal Demolon, Gérald Laroche, Édouard Montoute ou Éric Savin, entre autres. Plus tard, dans ses films, des comédiennes et comédiens déjà reconnus, ou en passe de l’être, de Karine Viard à Sandrine Bonnaire.

On écrit tout cela un peu dans le désordre de l’émotion et de la mémoire. On a eu la chance de très tôt découvrir son travail, et de n’avoir jamais le fil.

Parmi tous les artistes, sensibles et originaux, qu’il nous a révélés, il y a le délicat et profond Jean-Pierre Léonardini. Un critique dramatique qui unit l’art de l’écrivain et celui du journaliste à l’écoute du monde. Il est un interprète formidable et en ce dimanche d’automne, c’est à lui, aussi, que l’on pense.

Xavier Durringer avait quelque chose d’un aventurier qui n’aurait jamais pu se contenter des premières sources de son inspiration. Samuel Benchetrit, plus jeune de dix années, est comme lui : on y pense en écrivant ce pauvre hommage qui ne dira jamais la complexité douloureuse de Xavier Durringer et l’étendue de ses inspirations.

Tous ses titres demeurent en tête, comme des histoires délicieuses et cruelles, sentimentales mais profondément puissantes, car ne lâchant jamais les fils du plus intime et de la société. Une rose sous la peau date de 1988. Il a écrit des dizaines de pièces. Des souvenirs, Bal-Trap, Surfeurs, La Promise, Une envie de tuer sur le bout de la langue, La Quille. Et puis bien sûr, sa mise en scène de Oh ! Pardon tu dormais, texte de Jane Birkin, avec Jane Birkin ou encore Histoires d’hommes, mise en scène de Michel Didym, avec Judith Magre dans un solo écrit pour elle. Ou Acting, avec Niels Arestrup.

Côté cinéma, on n’a jamais oublié La Nage indienne ni ses aventures du côté de la boxe Thaï ou encore mieux, des malfrats de Marseille : J’irai au paradis, car l’enfer, c’est ici. Et c’est lui qui cisela cette Conquête du pouvoir, en 2011, qui est un classique avec Denis Podalydès et Maurice Benichou, notamment.

On ne va pas tout citer. Vous retrouverez facilement l’énoncé complet de ses œuvres. N’oubliez pas Sfumato, un roman maîtrisé et séduisant, qui lui ouvrait une voie nouvelle.

Depuis l’orée des années 2000, il avait énormément travaillé pour la télévision : Arte, Canal +, France 2.  Les Vilains, Les Oreilles sur le dos avec Béatrice Dalle, Lady Bar, Lady Bar 2, Hiver rouge avec Patrick Chesnay, Rouge sang avec Sandrine Bonnaire, Ne m’abandonne pas (en 2017 il obtient l’International Emmy Award du meilleur téléfilm), Rappelle-toi avec Line Renaud, La Mort dans l’âme avec Didier Bourdon, Mauvais garçon avec Richard Anconina) et des séries (Scalp, La Source avec Clotilde Courau et Christophe Lambert.

Pas de mots suffisants, pour saluer cette personnalité attachante, toujours courageux. Le dernier spectacle que l’on ait vu de lui était consacré à Joséphine Baker. Tonique et mettant en valeur l’interprète. Car, par-dessus tout, Xavier Durringer mettait en lumière les autres…