Adeline Kerry Cruz, la fée du krump

Huit ans, craquante, elle danse dans Silent Legacy de Maud Le Pladec et Jr Maddripp, avec son mentor et Audrey Merilus.

Ils ne sont tous les trois en scène, ensemble, qu’aux saluts. Audrey Merilus, Jr Maddripp, Adeline Kerry Cruz. Deux adultes, une danseuse dans la plénitude de sa beauté et de son art, un maître du krump qu’il contribue à faire connaître en Europe, une toute jeune gamine, impressionnante de vitalité spirituelle. L’homme est le mentor d’Adeline. Tous deux vivent et travaillent à Montréal, même si Jr Madddripp est né Kevin Gohou en France.

Maud Le Pladec les réunit. Confronte leurs personnalités. Pose la question de l’héritage (legacy), portée par la musique de Chloé Thévenin.

Dans le cadre magique du Cloître de Célestins, les pinceaux de soie de la lumière très sophistiquée d’Eric Soyer, paraît la petite fille coiffée au carré, comme une bonne élève idéale. Visage doux, regard clair. Elle semble secouée de l’intérieur par des forces qu’elle maîtrise, dont elle joue, se joue.

Aux saluts, les trois artistes réunis. DR.

Le « krump » K.R.U.M.P. : Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise, est apparu à l’orée des années 2000 dans les quartiers pauvres de Los Angelès . Cette forme particulière a déjà son histoire. On dit qu’au commencement, Thomas Johnson, jeune de Denver qui vivait en Californie depuis longtemps, avait connu drogue, prison, reprit en mains sa destinée en créant Tommy le Clown pour distraire les enfants pauvres des quartiers déshérités, lors de fêtes d’anniversaires. Il met au point une forme de danse bien à lui : le clown dancing.

Les jeunes s’emparent de cette syntaxe d’une énergie qui peut paraître agressive, mais ne l’est pas, en fait. Cette danse est plutôt libératoire. En France, on traduit littéralement krump : « Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise »  par « élévation du royaume par le puissant éloge ».

Deux beautés, deux artistes. Pas une photographie du spectacle, mais des portraits par Alexandre Haefeli. DR

Clément Cogitore en donne un « morceau » dans sa version des Indes Galantes, en 2018.

Ce qui frappe le plus dans la danse d’Adeline Kerry Cruz, c’est sa mobilité, la maîtrise de son parcours. Et surtout, on l’a dit, le sentiment que l’on a que tout ce qui affleure, tous les mouvements, les expressions du visage, les regards, les gestes, naissent au plus profond du corps et de la conscience.

Le krump s’appuie sur des « histoires », des narrations intérieures, graves et cruelles, et tristes souvent. On expulse les démons mais on n’agresse pas les autres, contrairement à ce que peuvent faire penser certaines mimiques. Ou paroles, ou cris modulés.

Avec Jr Maddripp, qui apparaît colossal à côté de la petite fille, on pousse plus loin la démonstration. Il est, lui, très étonnant. Mais ni lui, ni elle, n’abandonnent quelque chose de délié, et même d’espiègle.

Dans un tout autre style, un large éventail de sa grâce et de ses techniques transmutées par sa maîtrise et sa liberté, Audrey Merilus fascine.

Bref, une très belle, originale, dense et aérienne, pièce complexe de Maud Le Pladec, toujours en quête de l’essence de la danse.

Cloître des Célestins, les 21, 22, 25, 26 juillet, à 22h00. Durée : moins d’une heure.