Avignon, au fil du off

Brève sélection de spectacles intéressants et qui se donnent dans des salles qui respectent les règles, notamment les intervalles entre deux représentations.

Mauvaise petite fille blonde

Une petite fille….Mais oui. Photo de Pierre Notte.

Un texte en forme de conte féroce de Pierre Notte, écrivain fertile, plusieurs fois à l’affiche en cet été 2021. Une petite fille commet un geste maladroit qui lui vaut tant de reproches que, gentille et candide qu’elle était, elle va se métamorphoser… Un texte dont l’auteur signe la mise en scène, dirigeant un interprète particulièrement sensible et mobile. Un interprète en effet, dans un costume pensé par Alain Blanchot. On vous laisse découvrir le très doué Antonio Interlandi.  Léger et grave, il vous fera sourire et vous bouleversera, dans une proximité troublante. Ne ratez pas l’affiche, superbe du spectacle : une photographie saisie par Pierre Notte sur un mur d’Avignon. Quelque chose qui évoque le Petit Chaperon rouge…et convient très bien à sa petite fille mauvaise et blonde…

Atypik Théâtre, 95 rue de la Bonneterie, Avignon. A 18h30. Durée : 1h10. Jusqu’au 31 juillet. Relâches les 20, 23, 27 juillet. Tél : 04 86 34 27 27. Le texte est publié dans la collection des Quatre-Vents de L’Avant-scène théâtre.

Voir également l’excellent Histoire d’une femme, mise en scène de l’auteur, avec la fascinante Muriel Gaudin. 15h25 aux 3 Soleils. Durée : 1h15. On retrouve un texte de Pierre Notte, et Muriel Gaudin avec Silvie Laguna et Clyde Yeguette au Théâtre des Halles, à 21h15, en extérieur, dans L’Homme qui dormait sous mon lit, à propos des migrants.

Lawrence d’Arabie

Ce spectacle avait été présenté il y a un an, au Théâtre 13-Jardin. Un destin raconté par Eric Bouvron, qui aime les vies hors norme et par Benjamin Penamaria. Sans doute connaissez-vous l’histoire de Lawrence et de son rôle, à partir de 1916, dans l’Arabie en révolte. Trois musiciens accompagnent en direct la représentation pensée comme une chorégraphie harmonieuse et efficace. Sans doute certaines données de représentations ont elles changé depuis juillet 2020, mais ce travail possède une originalité très frappante. C’est Eric Bouvron qui dirige huit interprètes mobiles et vifs. Une manière de réinventer l’épopée, pour un théâtre accessible et exigeant.

Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. A 21h30. Durée : 1h50.  Jusqu’au 30 juillet. Relâches les 20 et 27 juillet. Tél : 04 32 76 24 51. Texte publié par L’Avant-scène théâtre.

La Métamorphose des cigognes

Une situation très intime, un propos qui pourrait être indiscret, voire scabreux. Dans une salle, non loin de son épouse qui attend, sous la surveillance d’une équipe médicale, un homme muni d’un gobelet, doit donner son sperme pour une fécondation. Marc Arnaud qui a écrit le texte et le joue, sous la direction fine de Benjamin Guillard et dans les lumières de François Leneveu, est un comédien ultra-sensible et très nuancé. Il avait commencé par composer trente minutes pour le festival des « Capsules » et a étoffé son propos sans l’abîmer, sans jamais être lourd. C’est très drôle parfois, très émouvant toujours. Un bijou de théâtre.

Au Train Bleu, 40, rue Paul-Saïn, Avignon. A 13h50. Durée : 1h05. Jusqu’au 26 juillet. Relâche le 20 juillet. Tél : 04 90 82 39 06. Salle 2.

Signalons deux jeunes artistes, dont nous n’avons pas vu encore le spectacle, mais qui ont un talent formidable, Anaïs Muller et Bertrand Poncet, qui, jusqu’au 26 juillet, les jours pairs, à 16h20, présentent Là où je croyais être, il n’y avait personne.

Ils reprennent la pièce qui les avait mis en lumière, il y a deux ans, est Un jour j’ai rêvé d’être toi, tous les jours, aux Halles, à 14h00. Ne les ratez pas !

Le Bonheur des uns

Côme de Bellescize a composé une comédie très drôle, méchante et même franchement très féroce. Un jeune couple qui aurait tout pour être heureux, se sent mal. Ces deux victimes du temps ont une idée dangereuse : ils consultent leurs voisins, légèrement plus âgés qu’eux. Quelles sont les recettes du bonheur ? Un quatuor épatant, comme sur un ring, échange répliques cocasses et perfidies. Coralie Russier et David Houri, sont les jeunes en recherche. Ils sont sensibles et délicats, personnages vulnérables face à la puissance de feu de Vincent Joncquez et au déchaînement snob et vipérins de l’épouse qui a beaucoup de conseils à donner et qu’incarne la grandiose Eléonore Joncquez. Rire, rire, cela fait tant de bien !

Théâtre des Béliers, 53, rue du Portail Magnanen. A 13h10. Durée : 1h10. Jusqu’au 31 juillet. Relâches les 19 et 26 juillet. Tél : 04 90 82 21 07. Salle 1.

A 11h00 dans le même théâtre, voyez ou revoyez  le désopilant Venise n’est pas en Italie d’Ivan Calbérac joué par un nouvel interprète Garlan le Martelot. Durée : 1h20.

La Maison du loup

Après le triomphe de La Machine de Turing (qui va encore longtemps tourner), Benoit Solès s’est inspiré d’un épisode très particulier de la vie de Jack London, pour composer une pièce assez classique qui bénéficie d’une excellente production. On ne veut pas ici « divulgâcher » le propos car la situation n’est pas forcément connue et elle est très intéressante. Dans une très jolie scénographie de Juliette Azzopardi, Tristan Petitgirard met toute sa délicatesse dans une mise en scène précise, bien rythmée. Anne Plantey est l’épouse entreprenante du grand écrivain. Elle impose son autorité ferme mais non agressive face à un homme qui est un peu en panne. Barbu, Amaury de Crayencour dessine la complexité d’un caractère, ses doutes, ses désenchantements comme ses certitudes. Face à eux, l’énigmatique Ed Morrell qui a pris fait et cause pour un condamné à mort. Benoit Solès excelle dans cette partition. Une situation dramatique très forte, mais une pièce sans rigidité et jamais démonstrative. Costumes, lumières, animation, musique, tout est soigné et éloquent.

Théâtre du Chêne Noir, 8 bis rue Sainte-Catherine, Avignon. Salle Léo Ferré à 14h30. Durée : 1h40. Jusqu’au 31 juillet. Relâches les 19 et 26 juillet. Pièce publiée par L’Avant-scène théâtre.

A 14h45, dans le même théâtre, salle John Coltrane, l’irrésistible, drôle et bouleversant Le Jour où j’ai appris que j’étais juif de et par Jean-François Derec. Durée : 1h15.

Sosies

Attention, esprits susceptibles d’être bousculés par quelques scènes lestes et mots grossiers, abstenez-vous ! C’est du Rémi De Vos, tendance désinvolte. Il s’amuse. Mais il touche à des couches profondes de la psyché. Ses sosies sont d’inlassables rêveurs. Ils se croient investis d’une mission : être Gainsbourg, être Johnny…Mais par-delà, Rémi De Vos raconte une autre histoire. Affreux, sales et méchants ces personnages ? Non. Paumés. Analphabètes du sentiment équilibré. Ils ne peuvent être que dans l’excès. Alain Timar qui signe la scénographie légère et met en scène avec malice et intelligence, s’est régalé à diriger d’excellents interprètes. Ils portent et la farce et la tragédie. Ils sont franchement formidables : la jeune Victoire Goupil, fine et attachante, Xavier Guelfi, grande silhouette déliée est capable d’être bouleversant, subtilement. Ses « parents » forment un couple très particulier ! David Sighicelli, vraiment drôle dans sa mauvaise foi et ses errements et la merveilleuse Christine Pignet, magistrale ! Enfin, en Johnny de bleds paumés, John Arnold prête ses talents moirés à un personnage plein de blessures…On rit beaucoup. Musique, lumières, ajoutent au plaisir. Et De Vos et Timar vont plus loin que la grosse farce !

Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. Salle du Chapitre. A 19h00. Durée : 1h30. Jusqu’au 30 juillet. Relâches les 20 et 27 juillet. Tél : 04 32 76 24 51.