Avignon, passage de flambeau

Au Cloître Saint-Louis, l’équipe de direction actuelle a dressé le bilan de l’édition de cet été. Mais aussi des deux mandats d’Olivier Py qui a lu une lettre adressée à Tiago Rodrigues, son successeur, en présence de l’artiste. Larmes et applaudissements debout.

Le 24 juillet, au jour même de son anniversaire, Olivier Py a dressé avec sa garde rapprochée le bilan de la 76ème édition, qui se clôt demain en beauté par un spectacle à 18h00 à l’Opéra, place de l’Horloge : Miss Knife et ses soeurs. Soit Olivier Py dans la guêpière de la jeune femme qui avait surgi dans les entractes de La Servante, au Gymnase Aubanel…et ses soeurs : Angélique Kidjo et les plus attendues, les Dakh Daughters, ces artistes ukrainiennes accueillies depuis mars en Normandie et que l’on a applaudi il y a quelques semaines aux Ateliers Berthier de l’Odéon.

Ensuite, à 22h00, dans le cadre toujours impressionnant de la cour d’Honneur, ce sera au tour de Kae Tempest, poétesse et compositrice, accompagnée de la musicienne, multi instrumentiste, Hinako Omori. The line is a curve, et c’en sera fini..

Hier, Agnès Troly, programmatrice qui connaît depuis très longtemps les artistes et a toujours veillé sur les jeunes, Paul Rondin, directeur délégué, et Olivier Py, ont rapidement évoqué les chiffres de l’année, rappelé de nombreux spectacles, montré en quoi Avignon toujours innove.

Chemise blanche ouverte sur une croix et un collier à petites boules, pantalon à fines rayures et chaussures d’un bleu tendre, devant un auditoire de spectateurs fidèles, de journalistes, et en présence de la présidente du conseil d’administration, Françoise Nyssen, le directeur a pu se féliciter du très bon taux de fréquentation estimé à 92%, ce qui, par rapport aux baisses catastrophiques dans les salles de théâtre et de cinéma, depuis mars, un résultat plus que remarquable.

Olivier Py a loué « la ferveur du public unique au monde ».

Il aura passé presque dix années à la tête du festival -mais il était présent bien avant, évidemment. Neuf années, huit éditions, 3000 levers de rideau.

On en dira plus par ailleurs.

Dans le public, ce matin là, il y avait la flamboyante Anne de Amézaga, directrice déléguée de Tiago Rodrigues. Un tempérament d’artiste, formée à Avignon auprès de l’inoubliable Alain Léonard, un homme d’énergie qui longtemps veilla sur le « off » et qui a accompagné Joël Pommerat des années durant. Et puis Tiago Rodrigues, bien sûr, offrant d’énormes bouquet de fleurs aux trois directeurs, avec une reconnaissance touchante. Il aura deux programmatrices.

Vint le moment où Olivier Py, ému, lu la lettre qu’il adresse à Tiago. Une lettre pour l’enjoindre de garder toujours la pureté de ton coeur. « Garde la pureté de ton coeur, la pure impureté de ton coeur ». « Ce n’est pas si difficile, pense à celui qui fut ici le premier. »

Et les larmes coulèrent. Olivier Py parla de la solitude, celle qui vous enveloppe, malgré le soin de l’entourage, des équipes, de ceux avec qui il aura élaboré huit festivals et essuyé autant de critiques que d’éloges. D’un seul élan la salle se leva pour longuement l’applaudir, le remercier. Et ce soir, on refuse du monde à l’Opéra-Grand Avignon…

Quant à Tiago Rodrigues, on le retrouve dès la rentrée, au Festival d’Autome, avec sa pièce. Dans le TGV de retour, on lit Catarina et la beauté de tuer des fascistes, traduction de Thomas Resendes, aux Solitaires Intempestifs. Une pièce créée en septembre 2020 au Portugal et qui fut présentée à Toulouse, en novembre de cette année-là, au Théâtre de la Cité.