Bruno Netter, de l’autre côté du miroir

Comédien et metteur en scène, il avait perdu la vue en 1981. Il ne quitta pas le théâtre. Philippe Adrien et lui travaillèrent ensemble. Il s’est éteint il y a plusieurs semaines. Il avait 67 ans.

Quelques lignes dans le carnet du « Monde ». Il y a bien des jours. On a tardé à saluer Bruno Netter, car ce blog ressemble parfois à une série d’annonces funestes. Mais disons adieu avec un peu de retard à cet artiste singulier.

Il était passé par l’ENSATT et avait commencé une carrière heureuse lorsqu’en 1981, une opération consécutive à une tumeur au cerveau, le laissa aveugle. On ne l’entendit jamais se plaindre. Il partit s’installer en Anjou, avec sa femme. Il ne pensait pas remonter un jour sur les planches. Mais la passion de la poésie était trop forte en lui.

Il choisit Rimbaud pour dire La Lettre du voyant  et fonda une compagnie, la Compagnie du Troisième œil. Il réunit des blessés de la vie. Tous ont une vitalité décuplée par le magnétisme, le charme, l’intelligence de Bruno Netter.

Sa rencontre avec Philippe Adrien va être essentielle. En 1986, il adapte Des aveugles d’Hervé Guibert. Entouré de voyants qui jouent ceux qui ne voient pas, Bruno Netter incarne, lui, « le voyant ».

Vingt ans après l’opération et la perte de la vue, un véritable compagnonnage s’établit entre le patron du Théâtre de la Tempête et la Compagnie du Troisième Œil. En 2001, Philippe Adrien monte Le Malade imaginaire, avec Bruno Netter dans le rôle-titre : Avignon, la Tempête, des tournées. Ensemble, ils créent ensuite Le Procès de Franz Kafka en janvier 2005, à la Tempête, avec reprise et tournée. Un Don Quichotte en 2007. Puis Œdipe de Sophocle (que Bruno Netter préparait en 1981, avant l’opération). On est en janvier 2009. Toujours à La Tempête, et, deux ans plus tard, Les Chaises d’Eugène Ionesco.

Si Bruno Netter n’a jamais lâché sa troupe ni quitté la douceur angevine, c’est bien grâce à son ami Philippe Adrien qu’il aura été connu d’un large cercle de spectateurs. Il avait aussi son spectacle étendard, son manifeste : Chlore et froissements de nuit, qu’il jouait avec une camarade sourde, Monica Compays. Histoire de deux enfants oubliés à la piscine…

Lui, Bruno Netter, on ne l’oubliera pas.