Edouard Louis, Milo Rau : questions aigues

Les deux artistes se sont ligués pour « Interrogation », retour sur la naissance de l’écrivain à lui-même. Des questions portées par un jeune comédien formidable, Arne de Tremerie.

Un dispositif simple, une construction sophistiquée. On pénètre dans la petite salle de La Colline par le côté jardin. Un jeune homme est assis, tout contre le mur. Un écran occupe une partie du mur du fond. Il y a une chaise, installée devant une caméra. Les lumières d’Ulrich Kellermann sont comme une musique. Et de la musique, il y en a. A doses précises.

Le jeu est un va-et-vient : le jeune homme en survêtement blanc qui nous parle, s’adresse soit directement à nous, soit fixe la caméra et sur l’écran semble nous regarder avec conviction. Parfois, un autre homme vêtu de blanc, double/frère et c’est Edouard Louis lui-même.

On a souvent dit la force, la puissance, l’audace de Milo Rau, on a célébré l’écriture d’Edouard Louis, son travail, son courage. On a loué le comédien travaillant sous la direction de Thomas Ostermeier.

Ici, Milo Rau et Edouard Louis nous proposent un texte qu’ils ont composé ensemble. Ils s’interrogent sur le sens de l’écriture, à partir de la vie même, du trajet, de la force d’âme d’Edouard Louis. Ils nous livrent des anecdotes qui disent la bêtise de notre monde : les journalistes allant vérifier que le village où a grandi l’écrivain ressemble bien à ce qu’il a raconté… Mais aussi les moments d’évidence lorsque l’on cite -d’ailleurs, il est dans la salle- Didier Eribon.

Arne de Tremerie qui prend en charge le texte est remarquable. Il a du charme. Il est long, blond, il peut faire penser à un très jeune Edouard…Il a un regard très éloquent, une voix au timbre clair. C’est très beau, c’est pur et simple et cela va au fond de questionnements heureux ou douloureux. Vivre n’est pas simple. Mais il faut persévérer dans son être.

On pourrait en dire plus, mais non : découvrez d’urgence cet « essai » dramaturgique très réussi, bourré de trouvailles, précis dans ses découpes, nerveux et tendre, empli de mélancolie. Superbe.

Théâtre de la Colline, à 20h00 jusqu’au 24 mai. Durée : 1h05. En néerlandais, avec moments en français et surtitres anglais et français. Tél : 01 44 62 52 52.

www.colline.fr

Jusqu’au 23 mai, projection, après le spectacle, du film de Milo Rau, Le Nouvel Evangile.