Fugard, Kani, Ntshona, écrivains classiques

Au Belleville, la mise en scène par Jean-Michel Vier de la pièce que Peter Brook révéla en France, « Sizwe Banzi est mort », portée par deux interprètes magnifiques, Cyril Gueï et Jean-Louis Garçon, frappe par sa puissance et son universalisme.

On n’a pas oublié la création de cette pièce qui tient du conte, du roman de formation, cette pièce qui évoque des situations tragiques et fait pourtant beaucoup rire. Un grand classique né au début des années 70, dévoilé au public français par Peter Brook, Sizwe Banzi est mort.

Jean-Michel Vier la met en scène avec une précision et une intelligence qui mettent parfaitement en valeur le caractère universel de cette pièce co-composée par Athol Fugard, grand auteur d’Afrique du Sud. Irlandais par son père, afrikaner par sa mère, né en 1931, a composé sa première œuvre dramatique dès 1956. Moins de dix ans plus tard, il prend la tête de la troupe The Serpent players, un groupe de comédiens noirs. Deux écrivains, noirs eux aussi, rejoignent la troupe : John Kani en 65, Winston Ntshona en 67.

Deux excellents interprètes, Cyril Gueï et Jean-Louis Garçon. Photographie de Daniel Manoury. DR.

Ils écrivent ensemble, en 1972, Sizwe Banzi est mort puis, dans la foulée, en 72-73,  Inculpation pour violation de la loi sur l’immoralité et L’Ile. On est alors en plein apartheid, mais la portée des pièces excède de loin cette situation et, aujourd’hui, elle nous parle au plus près. Déplacements, exil moral, solitude, recherche de travail, quête de papiers, fraternité. Des situations qui sont celles mêmes de milliers d’hommes et de femmes aujourd’hui, dans les pays développés où chacun espère pouvoir gagner sa vie, fuyant souvent la cruauté de leurs patries.

Jean-Louis Garçon est Styles et Buntu. Photo de Daniel Manoury.

Un décor très léger, très habilement conçu qui nous permet de pénétrer dans le studio photo de Styles, qui a abandonné son boulot dans une usine automobile pour créer sa boutique de photographe. Il est le premier narrateur. C’est Jean-Louis Garçon qui l’incarne. Il sera également Buntu, homme de générosité, être d’accueil. Comédien qui tourne pas mal, au cinéma comme à la télévision, il a incarné Mandela dans le spectacle Madiba et on l’applaudit actuellement dans Intra Muros à la Pépinière où il joue en alternance, après avoir créé une cascade de personnages au tout début.

L’autre comédien est lui aussi bien connu. Il est passé par le conservatoire, c’est Cyril Gueï On l’a applaudi dans Le Costume, mis en scène par Peter Brook. Ici, il est merveilleux qui dessine un homme candide, un homme arraché à sa terre, exilé de l’intérieur, un homme perdu, perclus de solitude et qui va trouver une solution pour survivre…

Cyril Gueï. Photographie de Daniel Manoury. DR.

Il n’y a pas de précision de traduction mais les échanges sont vifs, incisifs, fraternels ; une efficacité dramatique heureuse.

La complicité, l’accord des deux artistes, très bien dirigés, donnent au spectacle de la puissance et du charme. On l’a dit, le propos est grave. Mais la pièce est souvent drôle et l’on peut rire de bon cœur. Il y a là une vitalité magistrale.

On pourrait en dire plus : mais l’essentiel est d’y aller ! Et d’espérer de belles reprises.

Théâtre de Belleville, lundi et mardi à 19h00, dimanche à 17h00. Jusqu’au 26 avril. Durée : 1h30. Tél : 01 48 06 72 34.

Site : theatredebelleville.com