Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève, un art singulier

S’inspirant d’un fait divers tragique survenu en France, il y a près de vingt ans, ils tentent de comprendre les motivations d’un tueur qui se suicide et se jetant dans le vide : « Je vole…et le reste je le dirai aux ombres ».

Il y a vingt ans, Jean-Christophe Dollé et Clotilde Morgiève ont fondé leur compagnie dramatique. Ils n’avaient pas attendu ce moment pour écrire, jouer, participer à des expériences artistiques.

Peu à peu, ils se sont frayé un chemin singulier dans lequel une écriture très précise, liée à un soin très original de la représentation, jusque dans des détails subtils, est la base. Mais il faut, pour sublimer leurs recherches, leurs projets, la mise au point des spectacles, deux interprètes fins et déliés, intelligents et ultra sensibles, deux personnalités fortes : ce sont eux. Clotilde Morgiève, qui est aussi belle qu’apte aux transformations, et Jean-Christophe Dollé, mobile, vif, aussi léger sur un plateau que les histoires qu’il choisit sont graves.

Les trois protagonistes devant la boîte à engendrer l’histoire, à permettre les transformations, etc.
Photographie DR

A ce duo très séduisant, très convaincant, viennent s’agréger d’autres comédiens, parfois, d’autres artistes.

Pour Je vole…et le reste je le dirai aux ombres, c’est Pierre Cachia qui les a rejoints, et, dans le spectacle on entend les voix de Félicien Juttner et Nina Cauchard.

Mais il faut encore plus de monde pour que la manière de représenter, l’enchantement magique et étrange du spectacle, soit possible. Magie, justement et c’est Arthur Chavaudret et Noé Dollé aux manipulations ; une scénographie assez particulière, et c’est Marie Hervé qui signe également les costumes, des lumières bien pensées et dosées de Cyril Hamès, de la musique, avec le collectif N.O.E. et du son, Soizic Tietto. Du monde, et encore une assistante indispensable puisque l’auteur et les metteurs en scène sont sur le plateau, Leïla Moguez et un régisseur hors pair, François Leneveu.

Il est beaucoup question de solitude…Ici, Jean-Christophe Dollé, sur un banc. Photographie DR.

Mais les artisans de ce moment extrêmement impressionnant par sa qualité et son originalité, ce sont Jean-Christophe Dollé, qui a donc écrit, qui signe la mise en scène avec Clotilde Morgiève et tous deux, qui jouent et se démultiplient.

Jean-Christophe Dollé, qui a fait des études de philosophie, est très sensible aux faits divers. Il est allé du côté d’un massacre épouvantable qui date de la nuit du 26 au 27 mars 2002. Un homme, qui a l’habitude d’assister aux débats du conseil municipal de Nanterre, attend la fin de la séance et tire sur les élus : 8 morts, 19 blessés.

Des journalistes ont raconté alors longuement qui était Richard Durn, le tueur. Michel Décugis et ses camarades dans Le Point, on s’en souvient, Jean-Pierre Thibaudat, lui, s’intéressant aux moments où cet homme, fils d’une slovène et qui ne sut jamais qui était son père, s’était aventuré dans un cours de théâtre. On se souvient très bien de ces analyses.

Richard Durn n’a jamais été jugé. Le 28 mars 2002, alors qu’il est interrogé au 36 quai des Orfèvres, dans un bureau du 4ème étage, se jette par un vasistas. Il connaît Roberto Zucco de Koltès…

Une cabine téléphonique dans la nuit…Histoire d’avoir peur. Photographie DR.

Le propos de Jean-Christophe Dollé et de Clotilde Morgiève n’a rien d’ambivalent. Ils sont du côté d’un questionnement et ils ambitionnent, en une heure vingt, de développer la seconde de chute de Richard Durn…C’est évidemment très sophistiqué. Mais en rien équivoque : le déséquilibre de Durn est plus montré comme inquiétant qu’exaltant.

On ne va pas détailler ici la construction très fine de la narration, les fils qui s’entremêlent. Le plaisir tient beaucoup à l’insolite qui règne sur le plateau.

Pierre Cachia est idéal, avec sa jeunesse et son côté athlétique et fragile. Aigu est Jean-Christophe Dollé, audacieux, sur le fil. Clotilde Morgiève est exceptionnelle, mille et une, toujours « vraie ».

Ce spectacle n’est pas neuf. Beaucoup sans doute ont vu, déjà Je vole…et le reste je le dirai aux ombres. A Avignon, il y a trois ans, ce travail a beaucoup frappé. Colette Nucci, alors directrice du Théâtre 13, l’a immédiatement programmé. Mais la pandémie a tout suspendu et les représentations viennent de commencer : il faut se dépêcher.

Théâtre 13 / Bibliothèque, jusqu’au 28 novembre. Du mardi au samedi à 20h00, le dimanche à 16h00. Durée : 1h20. Tél : 01 45 88 62 22.

Et aussi : theatre13.com

Tournée : -Vendredi 10 décembre 2021, Centre Culturel F. Mitterrand, Lure (70)-Vendredi 7 janvier 2022, Théâtre Coluche, Plaisir (78)- Samedi 15 janvier 2022, Espace culturel Alain-Vanzo, Gournay-sur-Marne (93)- Vendredi 1février 2022, Théâtre Jean Marais, Saint-Gratien (95)-Vendredi 11 mars 2022, Espace culturel Jacques Brel, Mantes-la-Ville (78)- Vendredi 1er avril 2022, Le Point d’Eau, Ostwald (67) – Vendredi 6 mai 2022, Espace culturel René Cassin, Fontenay-le Comte (85)