Macha Méril, la bien aimée

Un montage de textes de Marguerite Duras sous le titre « Sorcière ». Une cascade maîtrisée par l’inventif Stéphan Druet sur des compositions de Michel Legrand.

Elle surgit de la nuit, dans une robe corolle, longue et rouge qui dégage à merveille son visage délicatement ouvré, cheveux châtains encadrant le triangle tendrement architecturé, le cou de danseuse et le regard de chat. Le regard russe disait Marguerite Duras, apprenant à apprivoiser la Princesse Gagarine, il y a cinquante ans.

Photographie DR/Théâtre de Poche Montparnasse

Belle, incontestablement, vive, pieds nus sur le plateau seulement meublé de quelques chaises, voix harmonieuse, maîtrisant la moindre inflexion dans ce concerto nocturne et pourtant éblouissant, dans les lumières de François Loiseau.

Comme Macha Méril ne cesse de le proclamer en grands éclats et de rire, elle vient d’avoir 80 ans ! Elle scintille, elle brille, elle chante, elle danse, elle n’est qu’harmonie, féminité, intelligence, charme. Et ce léger voile d’insolence, qui est sa jeunesse même.

Editrice de La Pléiade, Joëlle Pagès-Pindon a conseillé sur le choix des textes réunis sous le titre Sorcière, et en partie issus de la revue Sorcières de Xavière Gauthier, dans les années 75 à 82. La plupart de ces textes ont été repris par ailleurs.

La lumière même. Par Guirec COADIC . Agence Bestimage

Certains textes sont très connus, tel la mort de la mouche ou la soupe aux poireaux. D’autres le sont beaucoup moins. Il y a, en pas même une heure, une traversée qui permet d’approcher toutes les facettes de l’inspiration, des intérêts, des prises de position de l’écrivain. Le lien, c’est le destin d’être femme.

Tout ce qui est souffrance –la mort d’un enfant-, tout ce qui est rejet –la sorcière, justement-, tout ce qui est intuition et porosité au monde –la sorcière encore, mais aussi Marguerite Duras elle-même, est ici tressé souplement.

Ce qu’interprète Macha Méril, selon une ligne musicale avec ruptures, c’est le fonds de l’âme même de la petite Marguerite d’Indochine, de la grande Marguerite, auteure et réalisatrice, de la femme qui ne doutait pas de son talent, mais qui souffrait de n’être pas une beauté renversante et plongea dans l’alcool comme on se punit à petit feu.

Le travail de Stéphan Druet est remarquable. L’élaboration, à partir des compositions de Michel Legrand, d’un enveloppement de musique, jamais redondant, mais puissant,  constitue un véritable partenaire pour Macha Méril. Elle n’est pas seule et si elle déploie ici tous ses talents, tous les registres d’une personnalité forte et attachante.

Elle n’est pas seule parce que le public la vénère, les lecteurs sont nombreux, les admirateurs innombrables. Elle est la bien aimée des gens, parce qu’elle est aristocratique et proche, qu’elle a de l’esprit et de l’audace. Une autorité qui plaît. Un charme. Un charme ensorcelant.

Théâtre de Poche-Montparnasse, du mardi au samedi à 19h00, le dimanche à 15h00. Durée : 1h00. Pour trente représentations exceptionnelles. Tél : 01 45 44 50 21.

www.theatredepoche-montparnasse.com

Le roman de Macha Méril, Vania, Vassia et la fille de Vassia est en vente au théâtre. Editions Liana Lévi.

Tout comme Le Livre dit, entretiens à propos du cinéma. Gallimard. Par Jean Mascolo.