Marie-Paule André, le cœur ardent

Elle aimait les poètes et les chats. Comédienne délicate, elle concevait des spectacles et écrivait très bien. Une crise cardiaque l’a emportée ce dimanche 29 mars.

Il y avait en elle du mystère et une gravité enfantine parfois. Peut-on dire une rugosité tendre ? Elle était très belle. Une brune au teint clair, un visage aux traits fins, une silhouette déliée, un maintien de danseuse, une présence. Une voix tendre qu’un voile d’angoisse soulevait parfois. Mais elle était aussi très rieuse, légère quand elle le voulait bien !

Ce que l’on nomme rugosité, c’était une réserve, une pudeur et une colère contenue. Elle avait toujours été un esprit libre, engagé. Elle était lucide et sombre parfois. Mais elle était ennemie des déclarations tapageuses.

On la connaissait depuis plus de quarante ans cette femme qui appartenait à la galaxie d’Alain Crombecque et à ce théâtre si tonique des années 70-80 : elle était heureuse dans le monde des Argentins de Paris, liée d’une amitié très profonde avec Copi.

A Avignon, en 2010 lors d’un hommage à Alain Crombecque. Photographie de Christophe Raynaud De Lage.DR.

Lorsque commença le règne heureux de Patrice Chéreau à Nanterre, elle était là bien sûr. Pierre Romans l’appréciait particulièrement et elle travailla souvent avec lui, heureuse d’être dans un univers de haute littérature, en compagnie de Nada Strancar, Didier Sandre, Chantal Bronner, tant d’autres…

Marie-Paule André a suivi un parcours cinématographique très intéressant. Elle a notamment fait partie de l’aventure Out 1 de Jacques Rivette qui adorait son caractère bien trempé. C’est en 1971, Noli me tangere. En 1978 elle est au générique de Judith Therpauve, le film de Patrice Chéreau. En 1998, elle tourne Ciao bella ciao, et en 2008 36 vues du Pic-Saint-Loup.

Mais elle ne fut jamais autant elle-même que lorsqu’elle montait des spectacles, composait des partitions à partir des textes des poètes. Elle avait une connaissance profonde des mystiques. En 2000, pour le Festival d’Automne, elle avait emprunté son titre à Saint Jean de La Croix, Les Dits de Lumière et d’amour. Elle avait puisé dans les des œuvres issues des trois religions monothéistes : l’Islam, le Judaïsme, la Chrétienté. Elle avait une prédilection pour les femmes : Catherine de Sienne, Angèle de Foligno, notamment et Marguerite Porète, Béguine, brûlée à Paris, en place de Grève, en juin 1310, auteure du Miroir des âmes simples.

Parmi les interprètes, il y avait Chantal Bronner, que l’on n’oublie pas.

Autre spectacle conçu par Marie-Paule André, Jean Sénac, l’enfant désaccordé. Ecrivain contemporain qui mourut tragiquement à Alger en 1973. Un écrivain lancé par Albert Camus et René Char. Ce fut en 2003, un moment de grâce et de musique avec des poèmes de Jean Sénac, de Mohamed Dib, de Rabah Belamri, sur une musique de Rachid Guerbas. 

Très belle, Marie-Paule. Une douceur, un mystère. Elle aurait pu être une héroïne de Nerval ou d’Edgar Allan Poe. Photographie de Christophe Raynaud De Lage. DR;

On rencontrait Marie-Paule André au théâtre. Elle parlait de ses chats et de ses lectures. On apprenait toujours avec elle. Elle avait écrit un livre, un livre pour les enfants, Gaspard et Noé à Montparnasse (Gallimard 2006). C’était une histoire de chats, bien sûr.

Voici qu’elle s’est échappée. Son cœur a lâché, mais nous, on la gardera toujours au cœur.