Pascale Bordet, l’étoffe d’une reine, l’âme d’une fée

Son talent illuminait les plateaux de théâtre. Elle était bien plus qu’une costumière, mais une artiste profonde, une femme rare, d’une intelligence et d’une audace qui n’avaient jamais étouffé en elle l’enfance. Elle s’est éteinte dans la nuit de vendredi à samedi, vaincue par un cancer féroce. Elle avait 63 ans. Ses proches, ses amis lui diront adieu le mardi 25 avril, à 15h30, grande coupole du crématorium du Père-Lachaise. Chacun peut apporter une rose blanche.

Derrière ses lunettes, son beau regard de myope pétillait. Il y avait en elle une espièglerie de petite fille émerveillée. Elle ne s’était jamais prise au sérieux. Elle était ennemie des grands discours et des poses. Elle était très pudique, mais ne craignait pas de parler de sa passion et de son métier de vivre.

Elle donnait de l’esprit aux personnages et des ailes aux interprètes. Elle travaillait sans cesse, plongée dans le blanc. Celui de son atelier noyé de lumière de la rue Coquillière, au cœur de Paris, celui des vêtements qu’elle avait choisi de porter, exclusivement. Blanc, blanc sur blanc.

Elle maniait la couleur comme un peintre, elle aimait les étoffes, elle chinait. Elle imaginait pour chaque personnage un idéal de forme et pensait aux femmes et aux hommes qu’elle habillait. Elle cherchait le sens et l’harmonie. Et parce qu’elle les aimait du plus profond de son cœur, elle dissimulait dans les vêtements, des amulettes, des grigris. Dans les ourlets, au fond des poches, de minuscules signes, pour protéger les artistes.

Elle disparaît alors que la vie lui avait apporté l’amour, et elle en parlait. Elle s’éteint, alors qu’elle avait tant à imaginer encore. Un cancer féroce a eu raison de son énergie radieuse. Elle était née le 24 août 1959 et avait pris auprès de sa grand-mère et de sa machine à coudre Singer, le goût des vêtements.

Photographie de Laurencine Lot. L’artiste au travail, face à un miroir. DR.

Elle aura consacré sa vie, depuis les ateliers de l’Opéra de Paris, où elle fit ses premiers pas professionnels, à rendre plus beau notre monde. Celui de la fiction, mais celui de la réalité, aussi.

Son parcours est magistral. Il est indissociable de celui de Michel Bouquet qui la révérait. Il y avait une entente magique entre eux. Elle aimait les chats, et elle avait deviné en cet artiste immense, les silences d’un mystérieux félin.

Pascale Bordet a publié de très beaux livres. Avec ses dessins et des photographies de Laurencine Lot, amie et excellentissime photographe. Citons Fableries, Splendeur et misère d’une costumière, Bestioles de théâtre, Habiller l’acteur, Cahiers secrets d’une costumière de théâtre, La Magie du costume. Autant d’ouvrages précieux.  

Elle se disait : « Infirmière des âmes, régisseuse des sentiments, diplomate, servante ou gouvernante, économe, magicienne, jardinière des corps, psychanalyste, quelque fois cuisinière ou docteur. »

Maquette d’un costume de Pascale Bordet. DR.

Rêvons que cette femme exceptionnelle, onze fois nommée aux molières, deux fois couronnée, prix Renaud-Barrault, prix Diapason du Livre d’art, Chevalier des Arts et Lettres, ait un jour la place qu’elle mérite hautement dans les salles du Musée national du costume de scène de Moulins.

Voir son site : https://www.pascalebordet.fr