Sara Llorca, au fil de l’amour

Comédienne, chanteuse, metteuse en scène, elle a écrit et joue « Fille de Roi », avec le musicien Benoît Lugué qui l’accompagne à la guitare. Un moment de grâce, d’émotion et de fantaisie, aussi.

On la connaît depuis longtemps. Brunette princesse aux cheveux bouclés et au teint clair. Mince comme herbette et regard sombre et impressionnant de petite fille. Enfant de la balle, on l’a croisée, ici, là, avec sa mère, Catherine Rétoré, son père, Denis Llorca, qui s’est éteint il y a quelques mois. On les cite parce qu’elle revendique son héritage et a construit Fille de Roi en interrogeant ses relations avec « Papa », comme elle le dit dans ce merveilleux moment de théâtre pur, tandis que celle qui conduit ses pas, Cordelia, la fille mal comprise de Lear, dit « Monseigneur ».

Elle ne s’est jamais contentée de n’être qu’une héritière, s’inscrivant dans une lignée brillante, une constellation : de Guy Rétoré, son grand-père, à sa sœur Odja Llorca et sa mère Anne Alvaro. Pour ne citer que quelques étoiles. Elle joue avec son père, intègre le conservatoire, travaille, travaille et crée avec des ami(e)s, il y a quelques années la Compagnie du Hasard Objectif. Une manière d’affirmer qu’elle ne craint pas les tiraillements. On n’oublie pas, comment, au cœur de la nuit, elle avait su apporter le lyrisme et la tragédie dans le long montage de Wajdi Mouawad, donné en 2011, Carrière de Boulbon, à propos des Femmes, plongée chez Sophocle : Ismène dans Andromaque et Electre dans Electre.

Ici, avec Fille de Roi, on est dans la délicatesse et la profondeur, l’émotion, mais c’est léger comme un jeu de volant, apparemment.

Presque rien : un tapis, un portant pour vêtements, une grosse malle métallique d’un bleu séduisant, l’installation de la musique à jardin. De la malle, un peu plus tard, surgiront une dizaine de robes somptueuses, des robes de princesses élisabéthaines. Des robes de filles de roi. Il y a aussi une haute couronne. Austère couronne d’un temps de fer.

Tout préciser, ici, serait prendre le risque d’alourdir un propos aussi lumineux que simple, fille de roi, elle, roi, lui, son père. Denis Llorca, le feu, l’amour, l’emportement, le lyrisme, la passion de l’amour et de William Shakespeare.

Que l’on connaisse ou non le détail de la trame de ce spectacle, on le reçoit dans l‘émotion. Et non sans rire, sans sourire. Car Sara Llorca a beaucoup d’esprit. Elle sait qu’il ne faut pas s’enfoncer dans pathos. Pourtant, avouons-le, à la fin, lorsque monte, sourdement –et même si c’est parfois d’une manière peu audible-la voix d’un artiste que l’on a beaucoup admiré et qui n’est plus là, on est plié par l’émotion.

Benoît Lugué est bien plus qu’un musicien qui accompagnerait la représentation. Il est un partenaire. Un interprète face à une autre interprète. Leur malicieuse complicité donne une lumière particulièrement scintillante à ce spectacle. Parfois, l’un et l’autre chantent. Elle a une très jolie voix. Ce sont des bulles irisées, aussi fragiles que cocasses ou très bouleversantes. On pourrait analyser sans fin, mais on aura d’autres occasions de parler de cette Fille de Roi et de Sara Llorca, aussi belle qu’intelligente. Elle signe ici un texte bien mesuré, bien construit, bien mené et lui donne une lumière ludique et poétique qui ruisselle en imperceptibles nappes d’or.

Vu au Théâtre des Deux-Rives de Charenton, dates à venir en 2024 et 2025. Prochaines dates : 7 mai, 14h Salle des fêtes, Gournay-en-Bray ; 8 juin, 21h Festival Les Tisseurs de mots, Chilhac ; 11 juillet, 20h La Voilerie, Bourcefranc-le-Chapus. Durée : 1h10.

Autre rendez-vous : le concert de chansons françaises classiques, les 06 juillet 2024 – Festival manoir d’Argueil (76), 27 juillet 2024 – Festival les Nouvelles Coordonnées (27), 31 août 2024 – Domaine de Villarceaux (95).