« Dans ton cœur », à la folie

Pour la troupe d’acrobates de la compagnie Akoreacro, Pierre Guillois a réglé un formidable spectacle qui s’appuie sur l’excellence des artistes. Ayons une pensée pour Titouan Maire, brillantissime élève du CNAC, mort après une chute, lors d’une répétition.

Que dire ? Ils ont trouvé le metteur en scène idéal qui donne à leurs époustouflantes prouesses ce « petit plus » qui fait de Dans ton cœur, spectacle déjà bien rodé, né il y a plusieurs années, un supplément d’esprit, d’humour, et de fluidité narrative.

Au Rond-Point, dans la grande salle, ce soir-là, la jeunesse est en présence forte ! Et quel bonheur sentir comment ils retiennent leur souffle, comment ils font crépiter des applaudissements qui disent à la fois bravo et merci avant l’explosion finale.

C’est en 2018 qu’a été créé cette merveilleuse pièce liant une compagnie exceptionnelle d’art circassien et d’acrobatie, en particulier, à un homme de théâtre d’une intelligence et d’une sensibilité bouleversantes. Comment a-t-on fait pour qu’il faille attendre le Rond-Point pour les applaudir ?! Sous la haute charpente de ce qui fut le théâtre de la compagnie Renaud-Barrault à la gare d’Orsay (bien avant le Musée !), les artistes d’Akoreacro sont chez eux : au cirque !

Sur le très large plateau, des éléments scéniques translucides ou opaques, selon les lumières de Manu Jarousse, assurant la régie générale au millième de seconde, glissent, composant, défaisant, recomposant, un univers urbain d’immeubles silencieux. Et, perchée à cour, une plate-forme qui ne cache pas qu’elle est un tremplin pour envols et autres hallucinants numéros de trapèze. Un décor circassien de Jani Nuutinen et Circo Aero, avec la touche onirique d’Alexandre de Dardel…

Ici, il faudrait citer chacune et chacun, des accessoires aux costumes, car tout est réglé d’une manière aussi plaisante et harmonieuse, qu’efficace. Du grand art, à tous les postes. Pas de secret. Une rigueur qui se farde d’humour, jusqu’aux clowneries, mais quelle maîtrise !

On ne vous racontera pas tout, mais saluons le couple des amoureux-voltigeurs, qui s’envoient en l’air avec les bébés (de chiffon, rassurez-vous), l’hallucinante Marion Rouillard, un Tanagra tout en jolis muscles et présence d’esprit, une plume qui doit peser quarante kilos toute mouillée, et sans doute moins… Ravissante, forte d’une autorité naturelle, harmonieuse, espiègle, irrésistible. Face à elle, Antonio Segura Lizan, un Puck des pistes et des airs, merveilleux comédien, en plus !

Saluons les acrobates, porteurs, jongleur ou as du trapèze Washington, des mecs, des vrais, comme les dessine le metteur en scène, saluons les musiciens, indissociables du projet de la compagnie, intégrés au jeu, contrebasse, batterie, percussions, guitare, saxophone, claviers, flûte.

L’orchestration spectaculaire est aussi sublime que jubilatoire. On retient son souffle. Ils sont dans les airs comme portés par une grâce, une poésie qui illuminent tout. C’est magnifique.

Théâtre du Rond-Point, du lundi au vendredi, sauf mardi, à 20h30, samedi 19h30, dimanche 15h00. Jusqu’au 26 mai. Durée : 1h15. Relâches, jeudi 9 mai, dimanche 19, lundi 20 mai. Tél :01 44 95 98 21.

theatredurondpoint.fr

Distribution au Rond-Point :

Manon Rouillard Voltigeuse
Romain Vigier Acrobate, porteur
Maxime Solé Acrobate, trapèze Washington
Basile Narcy Acrobate, porteur, jongleur
Maxime La Sala Porteur cadre Antonio Segura Lizan Voltigeur
Pedro Conscienca ou Tom Bruyas porteur, acrobate Joan Ramon Graell Gabriel porteur, acrobate.

Saluons Pedro, qui va vers d’autres chemins, pensons à Titouan Maire, mort d’une chute au CNAC, lors d’une répétition. Mourir à 23 ans, au sortir d’une troisième année, cela ne devrait pas être possible La Ministre de la Culture, Rachida Dati, demande une enquête.