Vincent Roca, effervescence pure

Plus de trente ans qu’il se joue des mots sans jamais lasser un public enthousiaste. Plus de trente ans, pas moins de vingt spectacles, et il est toujours frais et neuf. « Ma parole ! », dit-il…

« J’effervesce ! » disait Paul Claudel, pour montrer que la jubilation de l’intelligence comme du corps, est quelque chose que l’on ne contient pas… « Ma parole ! » dit Vincent Roca, qui s’amuse de l’ambiguïté de la formule. « Ma parole ! » dit-on à ceux que l’on ne croit pas complètement. « Ma parole ! » c’est ironique et moqueur, comme cela peut être sincère attestation de vérité. C’est vrai, vraiment vrai, vrai de vrai.

On ne sait par quel miracle, depuis plus de trente ans qu’il parle, qu’il l’ouvre, qu’il cause –et on pourrait aligner les verbes de la jactance- on n’a jamais le sentiment d’une redite.

Pourtant, évidemment, au fil du temps et des formules incroyables qu’il associe, de ces phrases qu’il dit en passant et qui, à peine entendues, prennent un autre sens, disent autre chose, on retrouve des associations qu’il aime. Il joue et se joue de son public.

Comme il articule parfaitement et que son débit est celui de la foudre, on aimerait bien qu’il nous laisse le temps de comprendre…ou qu’il nous offre un bis…

Mais l’artiste est bien trop poli pour surligner ses trouvailles.

Un homme seul en scène, et qui parle, et qui parle…Photographie Anne-Elise Barré. DR.

Dans les lumières de Roland Catella, son ami Gil Galliot le met en scène. Un plateau quasiment nu, quelques objets dont une chaise, un manteau doublé de rouge, comme le serait celui d’un magicien de music-hall. Ou d’un diable. Car sans doute Vincent Roca est-il diaboliquement intelligent, diaboliquement à l’écoute d’une langue qu’il aime et connaît mieux que personne.

Pas pour rien qu’il a reçu, il y a dix ans, le prix Raymond-Devos de la langue française.

Passé par les maths, il calcule tout … pourrait-on penser… Il calcule les effets, il calcule les potentialités, puis brouille et efface tout ce qui pourrait paraître mécanique.

C’est un poète, un incroyable inventeur. Il a un ton, un univers. Cet univers est taillé dans l’étoffe de la langue française. C’est vaste comme le ciel étoilé. On rit, on a le cœur pincé, on admire, Visage creusé, regard étincelant de malice et de générosité, c’est un dompteur doux, qui bouge, glisse selon la chorégraphie de Gil Galliot. Un très grand artiste qui réveille, éveille, rend tout lumineux, même les pensées les plus rosses, les plus noires, les plus angoissantes…C’est fort, très fort, et léger, léger. Grisant.

Théâtre du Rond-Point, salle Jean-Tardieu, à 18h30 jusqu’au 26 juin. Dimanche 6 à 15h30. Relâche : lundi et les 8, 9, 13, 20 juin. Durée : 1h20.

Tél : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr A la librairie du théâtre, un livre édité par les soins de l’artiste.