Pirandello, mystère intact

Vingt ans après sa création, Emmanuel Demarcy-Mota présente son spectacle « Six personnages en quête d’auteur ». Ce soir, il est diffusé en direct.

Chef-d’œuvre de la littérature dramatique, créé il y a cent ans, Six personnages en quête d’auteur demeure l’une des pièces les plus étranges que l’on puisse voir.

« Ce qui advint à Rome, au Teatro Valle, en ce soir mémorable de la première représentation de Six personnages en quête d’auteur, est difficile à décrire. Dans le public, les jeunes applaudissaient à s’en abîmer les mains. Mais les bien-pensants, qui occupaient les loges et les places les plus chères, non contents de siffler, de rire et de craier, chantaient en chœur le mot « buffone » en scandant les syllabes toujours sur la même note : bu-ffo-ne ! bu-ffo-ne ! Et ils criaient : à l’asile, à l’asile ! (…) »

Cent ans, et vingt ans pour la mise en scène remarquable d’Emmanuel Demarcy-Mota qui n’a cessé d’affiner ce travail, plusieurs fois repris depuis octobre 2001. Un spectacle qui a conquis la planète, présenté qu’il fut à Genève comme à Amsterdam, à Lisbonne comme à Sibiu, en Roumanie, dans le cadre du festival international de théâtre, à Londres comme à Moscou, à Singapour comme à Berlin, à New York comme à San Francisco, et cela pour ne citer que quelques étapes.

Il y a du désarroi, de l’abandon, de la souffrance dans le monde de Luigi Pirandello….Une photographie de Jean-Louis Fernandez, DR.

Dans la traduction nouvelle de François Regnault, le spectacle est revenu plusieurs fois à Paris, en 2003, 2015, 2016. Et voici donc, vingt ans après…et des comédiens dont certains sont là depuis vingt ans…A l’issue de la première représentation, le 19 mai dernier, Serge Maggiani, spectateur ébloui de ses camarades, faisait remarquer en souriant que le temps, sur les plateaux, ne compte pas…Ils n’ont pas vieilli !  Ils sont toujours aussi ardents, étonnants, engagés de toutes leurs fibres, dans cette histoire envoutante et cruelle.  

Alain Libolt, le directeur du théâtre, le metteur en scène, Hugues Quester, le père, l’un des « Six personnages », sa belle-fille, Valérie Dashwood, Stéphane Krähenbühl, le fils, sont embarqués dans l’aventure depuis longtemps. D’autres sont montés à bord au fil du temps et Philippe Demarle, qui est l’acteur 2, ne peut qu’être ému, comme nous, en voyant sa fille Alizée, jouer, en alternance avec Blanche Vignes, la petite fille.

Tous sont formidables : Sarah Karbasnikoff, Chloé Chazé, jeune garçon troublant, Céline Carrère, Madame Pace, Charles-Roger Bour, l’acteur 1, Sandra Faure, l’actrice 1, Gaëlle Guillou, l’actrice 2, Gérald Maillet, le régisseur, Pascal Vuillemot, le machiniste, Jauris Casanova, l’assistant. Une troupe, comme toujours chez Demarcy-Mota. Un groupe d’artistes, avec de l’âme et du talent à revendre.

Une scénographie superbe avivée par des lumières idéales, le tout signé Yves Collet, musique, maquillages, mouvements, musique de Jefferson Lembeye, tout séduit, subjugue. Et tout impressionne et angoisse en même temps que cela envoute et grise, comme le très grand théâtre. Celui qui touche au sens, à l’existence, aux significations de la vie, de la mort, tout ce qui questionne le fait même d’être au monde. Pour de vrai ou sur un plateau.

Royaume des ombres, des fantômes, des troublantes et poreuses frontières…Photographie de Jean-Louis Fernandez. DR.

Emmanuel Demarcy-Mota était très tôt entré dans le monde de ceux qui ont un regard, qui savent traduite l’âme des poètes, de Ramuz à Shakespeare, de Büchner à Peter Weiss,  de Ionesco à Melquiot, en passant par Balzac ou Camus et jusqu’à Arthur Miller –on ne les cite pas dans l’ordre chronologique. Il a élaboré un chemin d’artiste, singulier, profond. Il a conduit au théâtre des milliers de spectateurs.

A noter d’urgence : deux représentations en public de Six personnages en quête d’auteur de Luigi Pirandello / mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota avec la Troupe du Théâtre de la Villefilmées & diffusées en direct sur le site internet du théâtre.

vendredi 4 juin à 18h30 & samedi 12 juin à 20h

la représentation du 12 juin est surtitrée en anglais.

Cest une version spécialement créée pour ces deux séances qui sera présentée

rendez-vous sur la home page du site quelques minutes avant les représentations : www.theatredelaville-paris.com 

Autrement, évidemment, les représentations se poursuivent jusqu’au 13 juin. Durée : 1h50.