Pour les enfants et les adultes car les deux spectacles proposés actuellement, sont d’une qualité remarquable. L’Enfant océan et Les petites géométries.
C’est toujours avec plaisir que l’on se rend au Paris-Villette, lieu de création en partie dédié au jeune public, mais qui s’impose aussi avec des expériences fortes différentes, telles celles menées avec l’administration pénitentiaire.
Désignés comme directeurs sous le mandat de Bertrand Delanoé, en 2013, Valérie Dassonville et Adrien de Van ont fait de ce théâtre à la longue histoire intéressante, un espace chaleureux et remarquable par son exigeante et toujours étonnante programmation.
En novembre dernier, le Théâtre Paris-Villette a rouvert après une campagne de travaux qui a redonné à la grande salle une beauté que l’on devinait, mais qui demeurait un peu cachée. Les espaces d’accueil ont eux aussi été repensés, la petite salle blanche est toujours idéales pour certaines formes et le bar est un havre très couru.
En ce moment, et jusqu’au 5 janvier –des tournées suivent- deux spectacles sont à l’affiche. L’un s’adresse aux enfants à partir de 8 ans. Il est imaginé par Frédéric Sonntag d’après le livre, très connu des jeunes, de Jean-Claude Mourlevat, s’inspirant lui-même lointainement des aventures du Petit Poucet. Ce livre s’intitule L’Enfant océan.
Le spectacle, qui s’appuie sur un travail de vidéo très fin et efficace de Thomas Rathier, un décor évolutif de Marc Lainé et des interprètes remarquables enveloppés de lumières, de musique, de son, est original et d’une facture narrative claire.
Quand on est un adulte, on est toujours étonné –on a oublié les verts paradis- par la cruauté des contes, la dureté de certains personnages et des histoires que l’on choisit de raconter.
Ici, comme dans Le Petit poucet qui a lointainement inspiré Jean-Claude Mourlevat, les parents sont déficients. Mais ils ne cherchent pas à perdre leurs enfants, incapables de les nourrir. Ils sont franchement méchants et veulent les tuer. Le jeune Yann, qui a six frères et sœurs, trois paires de jumeaux, surprend une conversation et enjoint la fratrie de s’enfuir.
Jean-Claude Mourlevat a longtemps enseigné la langue et la littérature allemandes avant de se risquer au théâtre, jouant, mettant en scène, adaptant. Puis, il est passé du côté de l’écriture pour la jeunesse. De nombreux titres et de prix consacrent un travail fin, sensible et ancré dans la haute littérature.
Lancés sur les routes, les enfants vont rencontrer de nombreux autres personnages qui sont autant de témoins et narrateurs. Cinq interprètes pour cette profusion de figures : Laure Berend-Sagols, Rémi Fortin, Julie Julien, Régis Lux, Morgane Peters. Ils sont vifs, mobiles, sensibles. Un feu d’artifice de talent qui plaît aux enfants mais aussi à leurs parents ! Et puis, il y a une marionnette…Manipulée, elle est aussi le guide….
D’un autre genre, adressé à des enfants encore plus jeunes, des bambins, Les Petites géométries est une merveille. Une rareté concoctée par deux jeunes artistes formidablement douées, Justine Macadoux et Coralie Maniez. A elles deux, elles sont une compagnie : la compagnie Juscomama. Elles étaient au Festival mondial du théâtre de marionnettes de Charleville-Mézières en septembre dernier. On le conçoit : elles font en quelque sorte du théâtre d’objet et elles se font un peu marionnettes…En tout cas dans Les Petites géométries !
Pour mettre au point cet extraordinaire moment, une demi-heure, pas plus, elles s’appuient sur un remarquable travail du son signé Antoine Aubry et ont bénéficié du « regard extérieur » de Benjamin Villemagne.
Mais c’est leurs dons qui s’expriment ici. Leur sens de l’insolite, de la beauté, de la grâce, du mystère, de l’enchantement. Il y a ici également beaucoup d’esprit, de l’espièglerie et de fascinants changements de registres.
Sur le plateau, deux jeunes femmes en veston, short long, collants, des tons beiges et gris qui changent selon les lumières. On ne voit pas leurs visages. Ils sont cachés par des boîtes, genre boîte en carton, mais dont les parois seraient des tableaux noirs…puisqu’elles extirpent des craies –ou des pastels…- de leurs poches et se mettent à dessiner…Ensemble ou non. En noir et blanc puis plus tard en couleurs. Tout cela à l’aveugle. Sans un mot mais avec des sons.
On est sous le charme, fasciné par les apparitions, les figures géométriques ou celles qui semblent représenter des paysages, des animaux, des visages.
Ce qui est le plus incroyable, c’est la richesse, la densité
du contenu. En une demi-heure, Justine Macadoux et Coralie Maniez nous
racontent énormément, nous conduisent sur des chemins très différents.
Une poésie, une douceur, qui n’interdit pas l’apparition de visages angoissants
et grimaçants. Cela fait rire les enfants !!!! Pas besoin, d’ailleurs, de
rires d’appuis. Ils riraient sans être incités par des enregistrements…Mais
c’est une broutille que de noter cela, alors que l’on est plongé dans un bain
d’invention, d’imagination, d’intelligence. Parents, courez-y et emmenez les
petits ! Les Petites géométries sont
un très grand et rare spectacle !
« L’Enfant océan », grande salle jusqu’au 5 janvier. Dès 8 ans. Horaires différents selon les jours : 14h30, 15h30, 19h00. Durée : 1h00. Se renseigner.
« Les Petites géométries », petite salle, jusqu’au 5 janvier. Dès 3 ans. A 10h00, 10h30, 11h00, 17h00 selon les jours. Durée : 30 minutes. Se renseigner.
Théâtre de Paris-Villette. Tél : 01 40 72 23. www.theatre-paris-villette.fr