Kaori Ito et Yoshi Oïda, Etienne Minoungou et Simon Winse, Israël Galvan et Nino De Elche, trois occasions d’éprouver la grandeur au théâtre.
Parce que le couperet du couvre-feu a obligé les organisateurs de la Semaine d’art en Avignon à avancer les spectacles de trois heures, on n’a pas pu voir, encore, Le Tambour de soie, un nô moderne de Yukio Mishima. Un drame découvert dans une mise en scène de Maurice Béjart qui s’appuyait alors sur la belle traduction de Marguerite Yourcenar, au Théâtre du Rond-Point, il y a bien des années.
On a pris date pour le 1er novembre, au Théâtre de la Ville où va être présenté le spectacle. Mais, évidemment, l’alliance artistique et spirituelle de ces deux artistes rares que sont la danseuse Kaori Ito et le comédien Yoshi Oïda, personnalité essentielle du parcours de Peter Brook, et écrivain singulier, est promesse d’excellence. Pour cette représentation ils sont accompagnés de Makoto Yabuki et c’est Jean-Claude Carrière qui a rédigé le texte. On en reparlera. Mais les spectateurs ont été charmés.
A la Collection Lambert, on peut découvrir l’imagination enlevée des élèves des « villas » de rêve que sont la Casa de Velazquez à Madrid, la Villa Kujoyama à Kyoto, la Villa Médicis qui abrite l’Académie de France à Rome. « Viva Villa ! » est un parcours espiègle avec quelques œuvres puissantes. Mais peuvent-elles rivaliser avec les pièces de la collection permanente ? Pas sûr.
C’est ici, dans la très agréable salle ouverte dans les dessous des Hôtels de Caumont et de Montfaucon, qui abritent la collection d’Yvon Lambert, que l’on a pu applaudir le serein et lumineux Etienne Minoungou, dilaté comme un soleil, avec son regard si profond, émerveillé, offert, et son heureuse et solaire présence. Accompagné de l’extraordinaire musicien Simon Winse, qui chante d’une voix unique, qui vous ouvre et vous comble, il dit le texte de Felwine Sarr, Discours aux Nations africaines. Magnifique plongée dans laquelle, avec une précision fascinante, nous entraînent ces deux interprètes, unis et différents, uniques et disant le pluriel de l’Afrique. Magistral sans démonstration, dans la retenue, la modestie, ce discours, tel qu’il nous est délivré, nous bouleverse. Ici, ce qui touche le plus est la sincérité.
Troisième duo, voici Mellizo Doble qui exalte la complicité du chanteur, guitariste, compositeur Nino de Elche et du danseur et chorégraphe Israël Galvan. La voix exceptionnelle de Francisco Contreras Molina, vrai nom de Nino de Elche, sa puissance, sa maîtrise, ses connaissances et sa virtuosité sont saisissantes. On est empoté par cette voix, ce récit. Tout commence sous le soleil d’une corrida et c’est un soleil de plomb qui pèse sur le mort de Dominguin…A la fin, Séville est célébrée, torride et déchirante. L’art de Nino de Elche est grand.
Disons-le, il est dommage que les paroles ne soient pas traduites car, même si l’on connaît la langue, on peut avoir du mal à suivre et c’est dommage. Même si, ici, c’est la complicité des deux artistes qui fait la chair du propos.
Israël Galvan, avec ses chaussures blanches et noires, son costume à poche surprise, sa morgue joyeuse, son insolence, est époustouflant dans la performance –comme son ami chanteur qui tient sans boire une goutte d’eau, très longtemps. Dans l’énergie, l’humour vache, l’insolence gamine, et la beauté, la virtuosité, la violence toujours renouvelée de l’expression, il est vraiment étonnant.
C’est comme un grand coup de vent sur le plateau, un grand coup de vent sur la ville et cette « semaine d’art » formidable.
Le Tambour de soie, du 24 au 26 octobre à 11h00. Chapelle des Pénitents blancs. Durée : 1h00. Reprise au Théâtre de la Ville-Espace Pierre-Cardin, puis au 104.
Traces, du 23 au 27 octobre à 14h00. Salle de la Collection Lambert. Durée : 1h00.
Mellizo Doble, Théâtre Benoît XII, les 24 et 25 octobre. Durée : 1h15. Reprises en tournée internationale.