Quatre comédiens doués portent la pièce de François Hien mise en scène par Jean-Christophe Blondel. Mais elle est lourdement démonstrative, hélas…
On ne résiste pas à l’appel du talent : Yannick Landrein, John Arnold sont des artistes exceptionnels, souvent impressionnants par leur intelligence, leur audace, leur sensibilité. Pauline Sales, qui écrit, met en scène, joue, responsable d’institution, possède, elle aussi, une forte personnalité. On connaît moins bien pour le moment la jeune Noémie Pasteger, mais elle est repérée !!!
Bref, on avait grande envie de découvrir La Honte. Mais autant le dire, la pièce est tellement démonstrative, que les personnages, au lieu de se parler, d’échanger des répliques, des idées et des paroles, comme on le fait dans la vie et au théâtre (après transformation), ébauchent des discours. Et des discours oiseux. Ici, d’ailleurs la feuille de salle du Belleville le dit bien, la pièce est « née des réflexions popularisées par Me Too sur les codes qui rendent possible la domination masculine et les abus sexuels, La Honte nous entraîne au cœur de nos impensés. »
Le théâtre a besoin d’une nécessité interne de l’auteur. Le théâtre étouffe sous les « sujets », les « bons sujets », les propos d’actualité balancés dans de laborieuses rédactions. Avec dosage des arguments, comme si chacun avait une place sociétale à emblématiser.
S’appuyant sur une distribution brillante, Jean-Christophe Blondel aurait dû être sévère avec l’auteur. Et se passer de la musicienne qui intervient en ponctuations inutiles.
Mais c’est le style même de la pièce qui grippe tout ici. Auteur, mais aussi cinéaste, entre autres activités, François Hien ne parvient pas à enflammer son propos. Il rédige.
Il a de la chance que de si bons artistes défendent les personnages. Noémie Pasteger avec l’ambiguïté qui sied à la jeune femme, cette insaisissable Géraldine, doctorante vacillante. Pourquoi l’avoir si mal habillée ? Pauline Salles, derrière les lunettes sévères, prête à Clémence, chargée de mener les débats de la commission, une rigidité troublée qui la rend intéressant. Quant à John Arnold, Louis, on oscille entre désarroi et rage. John Arnold nous offre tout l’éventail des sentiments contradictoires qui traversent le professeur mis en accusation. C’est remarquable. Yannick Landrein, lui, Mathieu, soumis à des injonctions qui disloquent, est tout dans la nuance et les interrogations miroir.
Hélas, les interprétations hautes ne peuvent effacer les faiblesses de la pièce qui est à l’image de la lourde « commission disciplinaire » : sentencieuse et stérile.
On applaudit les interprètes, tous excellents et qui donnent de l’épaisseur aux protagonistes. Le soir où nous avons vu La Honte, la représentation annoncée à 1h50 a duré près de deux heures. Signe d’une absence totale de nerf de l’écriture.
Théâtre de Belleville, jusqu’au 30 novembre. A 20h00 le dimanche, 21h15, lundi, mardi. Relâche le 16 novembre. Tél : 01 48 06 72 34. Suit une longue tournée.