Au cinéma, comme au théâtre et à l’opéra, il concevait des costumes magnifiques. Il fut récompensé quatre fois par les césars et une fois par les molières. Il s’est éteint à l’âge de 76 ans.
C’était un poète de l’étoffe, de la couleur, de la coupe. Un homme d’une sensibilité bouleversante. Les larmes envahissaient souvent ses yeux bleus, leur donnant une liquidité troublante. C’était un grand artiste qui avait été conduit au cinéma par sa maman, qui l’emmenait le jeudi (c’était le jour où l’on n’allait pas à l’école, en ce temps-là) assister à une ou deux séances, et à d’autres encore, les jours de repos. Elle était couturière. On allait au cinéma à l’Apollo de Valence d’Agen.
Christian Gasc était né à Dunes, en Tarn-et-Garonne le 6 août 1945. Il avait conservé un léger accent qui disait ses racines du sud-ouest. Un visage aux traits nets sous un grand front légèrement bombé, ce regard, un débit rapide, des cheveux un peu longs, devenus blancs avec le temps. Des mains très expressives.
Le jeune Christian Gasc eut donc très tôt accès à ce qui nouera son destin d’artiste : les costumes et le 7ème art. Mais il fut aussi très actif au théâtre et à l’opéra.
On ne saurait citer ici tous les films qu’il a contribué à sublimer, ni les ouvrages lyriques, ni les pièces. Christian Gasc aimait les artistes qu’il habillait et puisait dans une connaissance profonde de l’histoire du costume, une manière d’une délicatesse époustouflante.
Il racontait comment c’est Liliane de Kermadec, décédée il y a deux ans, qui avait la première fait appel à lui pour son film Aloïse où il habilla Isabelle Huppert et Delphine Seyrig. Il avait rencontré la réalisatrice à la Cinémathèque Française, qu’il fréquentait assidûment à Paris. Dès 19 ans, il avait quitté son sud-ouest pour la capitale.
Il aimait travailler dans le compagnonnage. Il fut essentiel dans le chemin, bref hélas, mais inoubliable, de Pierre Romans. C’est dans ces années, 70-90, qu’on apprit à le connaître au plus près, farouche et taiseux parfois, et libre et volubile quand il savait qu’on le comprenait. Il est indissociable du chemin de Benoît Jacquot, comme de celui d’André Téchiné. Sur le tournage de Souvenirs d’en France, il fait la grande rencontre de sa vie, Marie-France Pisier. La mort tragique de cette femme aussi belle qu’intelligente l’avait beaucoup marqué.
On ne saurait tout citer des œuvres nombreuses qu’il a contribué à embellir. Quatre césars des costumes. Trois en rafale pour Madame Butterfly de Frédéric Mitterrand, en 95, Ridicule de Patrice Leconte en 96, Le Bossu de Philippe de Broca, en 97. Puis pour Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot, en 2012.
Au théâtre, outre Pierre Romans, de L’Illusion comique en 80, aux Tchekhov des années 88 à 90, à Avignon et Barcelone, avec la compagnie de José Maria Flotats, Aurélien Recoing, Eloi Recoing, Jean-Baptiste Sastre, Thierry Harcourt, Catherine Hiegel, Pierre Notte, entre autres, s’appuyaient sur sa sensibilité profonde. Côté opéra aussi, Christian Gasc aura créé de somptueux costumes, tels ceux pour les mises en scène de Pierre Romans et Benoît Jacquot, mais aussi de Daniel Schmid, Jean-Louis Grinda, Claire Servais, Antoine Bourseiller, Alain Marcel, entre autres, très nombreux.
Cet homme unique, d’un savoir vaste, mériterait amplement d’être un jour à l’honneur du Centre du costume de scène de Moulins…Ou de la Cinémathèque.