Une heure avec Valentine Tessier

Comédien au talent moiré, Philippe Catoire est un jour tombé sur une interview télévisée datant de 1973. Une vieille dame ravissante se souvenait de son chemin au théâtre, au cinéma. Il reprend ses mots. Délicieusement.

Un fauteuil, un châle délicat. Cela suffit. Dans cette petite salle d’Essaion, on est dans la confidence. Un homme nous parle. Nulle ambiguïté. Mais à travers la voix douce et bien timbrée de Philippe Catoire, c’est bien Valentine Tessier qui nous parle.

Valentine Tessier. Ceux qui aiment le cinéma, les films d’autrefois, la connaissent. Elle fut la frappante Emma Bovary de Jean Renoir, en 1934, grand artiste qu’elle retrouvera en 1955 pour French Cancan. Decoin, Cayatte, Delannoy, la firent également tourner. Elle en parle dans l’entretien repris par Philippe Catoire, elle fut ravie d’être sollicitée par Jean-Claude Brialy pour Eglantine, en 72.

Mais c’est le théâtre qui a été sa grande passion et elle eut la chance de faire très tôt des rencontres déterminantes.

Belle, belle… »La toute femme » disait d’elle Colette. Photo DR.

Sa mère était née à Saint-Pétersbourg, son père à Odessa. C’est à Paris qu’ils se rencontrèrent. Valentine avait deux grands frères. Ils vécurent dans une atmosphère très russe et chaleureuse. La petite fille s’ennuyait à l’école. Un jour, dans le livre d’un de ses frères qui allait au lycée, elle tomba sur Racine et le songe d’Athalie. Un choc, se souvenait-elle devant Philippe Collin qui recueillit ses souvenirs pour la collection « Archives du XXème siècle », en octobre 1973.

Sa chance ? Qu’alertés par une voisine qui l’entendait déclamer, ses parents favorisent sa vocation. Son père l’accompagne. Elle suit la classe de Paul Mounet, de la Comédie-Française. Tente le conservatoire plusieurs fois et échoue au deuxième tour. A cette époque, la limite d’âge est fixée à 20 ans. Elle rêvait de grands textes classiques, elle croit sa vie finie. Elle est née en 1892… Mais Mounet l’encourage et elle va se présenter au Vieux-Colombier où Jacques Copeau vient de s’installer. On est en 1913.  

Un fauteuil d’osier, un châle. On écoute Philippe Catoire, on entend Valentine Tessier. Photo : DR.

Tout le monde est là : Louis Jouvet, Charles Dullin, Roger Karl, Blanche Albane, Suzanne Bing, entre autres. Et Copeau est un artiste aux inspirations larges et la jeune Valentine va rencontrer des peintres, des musiciens, se former une vaste culture.

Mais n’en disons pas plus. Il faut écouter Philippe Catoire. Ceux qui aiment l’histoire du théâtre seront comblés. Les apprentis comédiens devraient assister à ce merveilleux moment qui en dit long sur l’art dramatique. Dans le plaisir.

Théâtre Essaion, dimanche à 17h30. Durée : 1h00. Jusqu’au 10 avril. Tél : 01 42 78 46 42.

www.essaion.com

Très joli programme et retranscription de l’entretien, avec des ajouts de Philippe Catoire, disponibles au théâtre.