Dirigés par Elise Vigier, Marcial Di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly évoquent Richard Avedon et James Baldwin, tout en parlant de leurs propres chemins, depuis l’Argentine et depuis le Togo.
C’est un spectacle léger et dansant, mais qui tresse des interrogations graves sur le monde et sur la manière d’advenir à soi. Portrait Avedon-Baldwin : entretiens imaginaires composé par Kevin Keiss et Elise Vigier, d’après des essais et interviews du photographe et de l’écrivain, s’inscrit dans une série de « portraits », collection théâtrale lancée par la Comédie de Caen sous l’impulsion de Marcial Di Fonzo Bo, son directeur.
Après Letzlove-portrait(s) Foucault par Pierre Maillet, Portrait de Ludmilla en Nina Simone, par David Lescot pour Ludmilla Dabo, après Portrait de Raoul par Philippe Minyana, pour Raoul Fernandez, mis en scène de Marcial Di Fonzo Bo.
Rien n’est complètement vrai dans ce qui s’échange. Si un livre existe qui inspire en profondeur le geste d’Elise Vigier, Nothing Personal, ouvrage qui date de 1964 et a été récemment traduit en France aux éditions Taschen, tout a été réinventé, recomposé. Kevin Keiss a participé à une partie de l’écriture, puis les deux comédiens –qui ne se connaissaient pas- sont à leur tour intervenus.
Ne faisons pas d’analyse prétentieuse de ce qui se passe sur le plateau. Il faut recevoir le « spectacle » comme une sorte de happening. Le découvrir. Admirer la complicité fraternelle de celui qui vient d’Argentine et de celui qui vient du Togo. Se laisser émouvoir par les photographies, les images, ici, ayant du sens et étant choisies avec intelligence.
C’est vif et bref comme un croquis. Deux grands artistes dans l’entente et le courage de dire : Richard Avedon (1923-2004), né dans une famille juive, dans le Bronx, James Baldwin (1924-1987), grandi à Harlem, deux Américains lucides, ayant traversé bien des milieux sans jamais perdre leurs convictions courageuses.
Ici, se rencontrent également deux comédiens plus qu’intéressants : on l’a dit, une complicité fraternelle, très sensible, touche le spectateur. Ils ont du talent, ils sont intelligents, ils ont le sentiment de leur responsabilité et donnent au projet une lumière particulière. On applaudit Marcial Di Fonzo Bo, irrésistible et Jean-Christophe Folly, toujours excellent, qui avait joué dans Harlem Quartet de James Baldwin dans une mise en scène d’Elise Vigier.
Théâtre du Rond-Point, salle Jean-Tardieu, du 6 avril au 17 avril à 21h00, du mardi au samedi et le dimanche à 15h30. Durée : 1h05. Tél : 01 44 95 98 21.