Alceste, Philinte, Jouvet

Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Lisa Guez met en scène trois grands sociétaires dans une variation inspirée de Louis Jouvet à propos du Misanthrope. Une heure de grâce, d’intelligence, de partage avec Gilles David, Didier Sandre, Michel Vuillermoz sous un titre paradoxal et ironique : On ne sera jamais Alceste.

En partageant avec le public du Studio-Théâtre de la Comédie-Française, ce spectacle bref, vif, elliptique, on ne peut s’interdire de penser à cette formule de Michel Bouquet adressée à Fabrice Luchini : « N’oublie pas que le public est venu jouer avec toi. »

Tout est réuni pour un moment précieux, instructif, ludique. Un texte d’appui auquel les interprètes se reportent souvent, un texte de Louis Jouvet, Molière et la comédie classique. Une adaptation très astucieuse de Lisa Guez, qui signe la mise en scène et a travaillé la « leçon » avec Alexandre Tran. Ils ont choisi le titre de On ne sera jamais Alceste

Une manière de souligner, comme le formule Didier Sandre dans le dossier de presse, qu’un comédien, d’où qu’il vienne et aussi long soit son chemin de rôle en rôle, d’expérience en expérience, est « toujours en apprentissage ».

Parfois, l’un d’eux endosse une pièce de costume. Gille David, à gauche, Michel Vuillermoz à droite, au milieu, Didier Sandre. Photographie Christophe Raynaud de Lage/Collection Comédie-Française. DR.

Dans un décor simple, un panneau peint de ciel et d’oiseaux, au fond, des bancs, un portant pour des costumes, et de l’espace pour bouger et s’aventurer jusque dans la salle lorsqu’il s’agit de porter la voix du « patron » (pas Molière, Jouvet), les trois sociétaires sont tour à tour Jouvet, Alceste, Philinte.

Ce qui est très beau, c’est que les transformations, les glissements se font naturellement et que le public comprend instantanément que la distribution des rôles a changé. Même sans changer de costumes –ils endossent des manteaux, etc…- ni même de place. Le public est aux anges qui écoute les différents points de vue, reçoit avec curiosité les mille et une nuances et accepte les moments où ça se grippe : Jouvet n’est pas toujours facile de caractère, pas toujours aimable.

Trois grands comédiens, pour une heure de jeux et glissements, questionnement de leur art. Photographie Christophe Raynaud de Lage. Collection Comédie-Française. DR.

Il ne faut pas s’attarder à trop en dire car ici le plaisir est de déguster ce moment à part, merveilleux hommage à Molière en ce 400ème anniversaire, grâce à la réunion de personnalités fortes et d’esprits libres. Lisa Guez et Alexandre Tran ont travaillé avec sensibilité, et les trois interprètes sont virtuoses dans les nuances entre les trois partitions et les différentes figures du trio. Les voix sont superbes, les moirures de registres fascinantes, c’est une pépite qui parle de haute littérature, de transmission, d’éblouissement.

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18h30 du mercredi au dimanche. Relâches supplémentaires les 16 et 17 avril. Jusqu’au 8 mai.

Durée : 1h00

Tél : 01 44 58 15 15

Internet : www.comedie-francaise.fr

Le texte de Louis Jouvet, Molière et la comédie classique est publié chez Gallimard.