Au Rond-Point, son spectacle « Amore » est un récital sophistiqué et beau comme un fado déchirant.
Du Portugal au Cap Vert et jusqu’en Angola, l’artiste italien si souvent applaudi à Paris sur cette grande scène du Rond-Point, nous conduit en un voyage fraternel. Toujours impressionnant, haute stature dans un costume blanc, il surgit dans la salle avant d’aller s’installer derrière une petite table de régie installée côté jardin, vers le haut. D’ici, il suit le spectacle, saisissant un micro, allumant une petite lampe, pour lire un texte dont la traduction est projetée, très lisible, sur le mur du fond.
Il raconte, il se raconte. Il explique le pourquoi d’ « Amore » qui réunit une quinzaine d’interprètes, hommes et femmes, comédiens, musiciens, chanteurs, danseurs. Il y a du chagrin, il y a le confinement à Catane, et la quête de mots de poètes, par des textes traditionnels, les mots simples et profonds du peuple, et des textes d’auteurs subtils, de culture lusitanienne, Carlos Drummond de Andrade, Eugenio de Andrade, Daniel Damasio Ascensao Filipe, Sophia de Melio Breyner Andresen, Florbela Espanca et des touches de Rilke et de Prévert.
Le fado, l’art du fado se déploie par des voix déchirantes, superbes. L’espace imaginé par Joana Villaverde est à dominante rouge intense. Un arbre, arbre qui pourrait paraître étique, desséché, peut-être, mais magique sous le vent, cet arbre fleurira parce qu’un homme y accrochera des branches de printemps.
Les costumes sont très importants et Elena Giampaoli les varie jusqu’à l’ensemble final, d‘un blanc immaculé, lorsque tous les protagonistes surgissent, ensemble sur le plateau.
Aucune construction complexe, mais des moments, une suite de moments, comme un récital, on l’a dit, avec de très fortes personnalités, telle la jeune femme venue d’Angola. Il y a des images qui nous renvoient à l’art de Pippo Delbono, des apparitions, des scènes de silence et de compassion, un art de la lumière, déployé par Orlando Bolognesi.
C’est bref, dense, émouvant, déroutant. On entend des chansons que l’on connaît, beaucoup que l’on découvre. Les compositions de Pedro Joia, et d’autres, la guitare, magnifique, sur le plateau, tout invite à un mélange de joie et de tristesse qui est l’humeur même de Pippo Delbono. Il faut se laisser aller au charme profond, à la mélancolie, à la douceur vénéneuse de ce qui se dit, se vit. Une heure, et tout s’efface, une heure et l’on a rêvé, on a largué les amarres…A la sortie, on remet à chaque spectateur un livret superbe, rouge, évidemment avec des photos, des textes, des portraits dessinés, de quoi ne pas oublier.
Au Rond-Point jusqu’au 18 septembre, puis en tournée, à Sarajevo, Lisbonne, Bologne, etc. Mais aussi à Montbéliard, le 15 octobre, Sète les 23 et 24 mars, Annecy les 10 et 11 mai.