« Watch », à l’écoute, en grand format

Les spectacles montés d’après les paroles de personnes tenues un peu à l’écart de la société, dans les EHPAD, par exemple, ou très à l’écart, dans les lieux de détention, ne sont pas rares. Mais rare est ce spectacle donné dimanche après-midi dernier, 4 septembre, sur la scène du Châtelet. Trente-cinq auteurs, de tous âges et de tous horizons, onze interprètes, dont six détenus du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin. Et un formation musicale d’exception. Une fête mise au point par Olivier Fredj et parrainée par Kylian Mbappé.  A voir encore ce mardi soir !

On attendait. On se disait, on doit attendre la ministre de la Culture, ou bien la maire de Paris. Pourtant la corbeille était pleine ! Pas de place prestigieuse, au premier rang, au milieu.

Mais un Châtelet très plein, surtout pour un dimanche après-midi de début septembre. Et puis soudain il surgit, tout de blanc vêtu, souriant, merveilleuse apparition sur ce plateau où l’on a pourtant déjà vu tant de personnes miraculeuses…Inattendu, formidable, très bon orateur, Kylian Mbappé, parrain d’un jour. En quelques mots, il explique pourquoi il est là, pourquoi il a accepté de soutenir ce geste artistique qui fait lien. Une première version avait été présentée sous le titre Voyages divers, il y a deux ans, à la MC93 de Bobigny, à l’initiative de l’Orchestre de chambre de Paris.

La salle est débout et fait un triomphe très chaleureux à ce virtuose époustouflant. Un petit tour et puis s’envole… Sans doute son char à voile l’attend-il devant la porte du théâtre.

Doté de moyens très conséquents –décor, costumes, lumières, maquillages, etc…- , accompagné de musiciens virtuoses, notamment le violon d’Iris Scialom, le violoncelle de Charbel Charbel, tous deux de l’Académie Jarrousky, mais leurs camarades sont eux aussi excellentissimes : au piano, Shani Diluka, à l’alto, Warren Kempf, à la clarinette, Vincent Lochet, aux percussions Théo Lampérier.

La musique tient une place très importante dans ce « grand » spectacle, conçu et mis en sène par Olivier Fredj, qui sera porté en triomphe, aux saluts…

Il faudrait citer chacun, tant ce travail est porté par un faisceau d’énergies et de talents remarquables. Décor, lumières, costumes, musique électronique, images, tout est de haute qualité.

Pas de fil narratif au long cours, mais plutôt des « épisodes », puisés dans les vies des « auteurs » et des protagonistes de la représentation : Emma Bazin, Fanny Sintès, deux reines de la scène, qui donnent une grande partie de son excellence de jeu (jeu, mais chant et danse, présence) et de son charme au récit. Citons aussi importants, Hadyl Amar, Jacques Mazeran, Nadir Chebila. Et, exceptionnels par leur engagement, leur énergie, Alphonse, Bizon, Davika, Haïss, Mara, Pazzo. Six qui ont travaillé pour apprendre leurs textes, trouver la discipline du plateau, et partager leurs sentiments contrastés. On n’en dira pas plus : Olivier Fredj mérite d’être porté en triomphe, mais saluons aussi toutes les institutions, toutes les femmes, tous les hommes qui ont fait que ce spectacle existe.

Le plus beau, toujours, c’est aussi le public, qui est au rendez-vous, regarde, écoute, se laisse embarquer et remercie.

Le 4 septembre, ceux qui l’aiment s’en souviennent de par-delà le temps, c’est l’anniversaire d’Antonin Artaud. Il aurait aimé. A suivre.