On ne saurait trop questionner le style, l’écriture d’Alice Schwab, puisqu’elle est doublement lauréate de l’association Beaumarchais, de la SACD. Pour ce texte et son projet de mise en scène. Pourtant, nous devons bien reconnaître l’étrange sentiment qui saisit tout spectateur de 2025.
Dès le titre, quelque chose nous conduit en une époque lointaine. Cela rappelle des textes des années d’après-guerre, notamment en Amérique du Nord. Depuis, on a lu de très nombreuses pièces, qui, dans la lumière de Faulkner, s’essayaient à parler d’un monde âpre, violent, souvent déployé dans des familles lourdement cruelles.
Aujourd’hui, dans la présentation de la pièce Les Plaines de la Calamité, on parle d’entrée de « famille dysfonctionnelle ». Tennessee Williams n’aurait pas employé un tel mot. Le concept était-il formulé ainsi ? Des Atrides à Shakespeare, jamais entendu parler de « famille dysfonctionnelle ». Pas plus que chez Sam Shepard, des années plus tard, et tant d’autres. Tel, par exemple, Jean-Louis Bourdon.
Sur le plateau de la Reine Blanche, pas beaucoup d’éléments de décor. Une grande table que l’on déplacera. Un bar du côté jardin. Pour illustrer l’ancienne vocation de ce lieu où les gens se retrouvaient, buvaient un verre, etc. Mais le temps a passé, tout s’est effondré…
Dix ans auparavant, Martha est partie. On ne l’a jamais revue. Elle revient, en robe du soir, flanquée d’un fiancé à chapeau de cow-boy. Elle, c’est Marine Arena, teinte en brune pour l’occasion. Le cow-boy est joué par Noé Hermelin. Dans la fiction, il est Noé.
La mère, incarnée par Laurence Côte, forte personnalité et autorité évanescente, comme le veut le rôle, a écrit à Martha, car elle pense qu’elle a réussi et pourrait sauver la maison…
Peu à peu on comprend la situation. Un père en train de mourir figuré par une marionnette de tissu, assez inquiétante. Imaginée par la mère de la metteuse en scène, Caroline Schwab.
Père incestueux, avec des scènes rapportées plus que scabreuses. Il s’est attaqué à ses filles. Elles n’ont pas de nom. Sœur 1, Marie Narbonne, fragile, Sœur 2, Leonor Oberson, belle et ultra-sensible. Ajoutez un agent immobilier qui veut acheter la maison décatie, pour lui et son fils, Rémi Giordan, précis sans ses ambivalentes apparitions.
Le spectacle tient grâce au jeu des comédiens embarqués dans cette étrange situation. Les lieux communs se bousculent, mais les personnalités sont attachantes. Sans doute Alice Schwab possède-t-elle une faculté véritable dans la direction d’acteurs. Et on sent le groupe soudé et engagé de toutes ses fibres.
La Reine Blanche, à 19h les mardi et jeudi, à 18h le samedi. Durée :
Réservations au 01 40 05 06 96.
Site : www.reinebanche.com