Il met en scène un texte de Jaime Chabaud, écrivain mexicain traduit par Françoise Thanas. Un conte, cruel porté par des comédiens, des marionnettes et de la musique, Des larmes d’eau douce.
Quand tant de metteurs en scène se répètent, vont vers le même genre d’écriture, et jusqu’à appliquer formules rodées et recettes éprouvées, Alain Batis est un artiste qui renouvelle sans cesse ses curiosités et ses manières.
Avec Des larmes d’eau douce, il se penche sur un conte étrange et très cruel. Un conte né de la plume d’un écrivain mexicain, traduit par Françoise Thanas et publié aux éditions Théâtrales- Jeunesse.
Une scénographie en forme de kiosque de fer forgé, une cage ouverte, fils, toiles, le blanc domine. Au sol, des feuilles qui craquent dans le noir tandis que va débuter l’action. Un espace à faire surgir les images signé Sandrine Lamblin. Des marionnettes patientent dans les hauteurs et redescendent pour « jouer » avec les comédiens et le musicien, installé sur le côté. Sylvia Amato, grand-mère narratrice, Thierry Desvignes, interprète et marionnettiste, Guillaume Julien, compositeur qui accompagne la représentation. Le jeu des lumières est un partenaire essentiel : éclairages un peu sourds et ombres mobiles. Toute une symphonie d’effets harmonieux.
Les marionnettes ont été conçues par Thomas Gebczynski, Lydia Sevette et Thierry Desvignes. Elles sont très expressives, très « vivantes », qu’elles soient la délicate et frêle Sofia, le fin Felipe, ou les adultes plus rudes, le père de Sofia, le maire à bedaine épanouie, le maigre curé. Les voix se répondent, dans la pénombre.
L’argument est cruel, on l’a dit. Dans un village où règne une sécheresse terrible, où l’on meurt, desséché, plantes comme animaux, on s’aperçoit qu’une petite fille pleure des larmes sans sel, des larmes d’eau douce…Elle pourrait sauver le village. Mais bien vite les « grandes personnes » imaginent que ce phénomène pourrait rapporter et le père de Sofia se laisse convaincre.
Cela donne des images dures, belles mais éprouvantes. Quelque chose d’une tristesse profonde saisit d’entrée le spectateur. Dès que l’on entend crisser les feuilles mortes, dans la pénombre, on sait que quelque chose de tragique va nous envelopper. Mais en même temps, l’envoûtement tient à la poésie du dispositif, au charme de la manière si particulière, délicate, répétons-le, d’Alain Batis.
Il sait à merveille susciter des atmosphères subtilement changeantes, aussi rassurantes qu’angoissantes. Tout est accordé : les interprètes, leurs corps, leurs voix, les marionnettes, les lumières, les projections.
C’est la première fois, nous dit-on, que l’écrivain, Jaime Chabaud, mexicain avec un nom à consonance française, est monté en France. Il est très connu dans son pays, comme dramaturge, scénariste, notamment pour la télévision. Il a écrit de très nombreuses pièces, traduites dans le monde entier. Il est publié en France aux Solitaires Intempestifs et aux Editions Théâtrales.
Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie, les jeudi, vendredi, samedi à 21h00, matinées à 16h30 les samedi et dimanche. Jusqu’au 18 décembre. Durée : 1h05. Tél : 01 48 08 39 74.