Né en Argentine, il s’est éteint à Nîmes, après une vie tout entière consacrée au monde du spectacle. Un chemin singulier pour un être à part.
Il avait un doux sourire et aimait rire. C’était un grand caractère, qui ne se retenait jamais de dire ce qu’il pensait et pouvait entrer dans de grandes colères et secouer ses interlocuteurs, lorsque l’on avait écrit des articles qui bousculaient les gens qu’il aimait. Un homme entier et tendre, teint clair et cheveux et barbe d’un roux pâle. Sa silhouette enveloppée s’était affinée. Il avait grisonné avec le temps mais n’avait pas perdu son regard malicieux, malin, plein de générosité et de lucidité.
Il s’est battu contre un cancer et s’est éteint à Nîmes le 14 juillet, où auront lieu, en famille ses obsèques. Le lundi 4 octobre prochain, un hommage est prévu à la MC93, dont il fut un brillant directeur. Il était né le 2 février 1951, à Buenos Aires.
Il s’était éloigné des grandes institutions françaises, mais on ne l’oubliait pas. Par sa connaissance large et profonde des arts du spectacle du monde entier, il aura été déterminant dans la venue au jour et à l’épanouissement d’artistes très différents, en France, mais en Italie, en Espagne, partout.
Argentin par sa naissance, argentin et espagnol par sa nationalité, Ariel Goldenberg, qui avait suivi des études des sciences de l’éducation, imaginé devenir vétérinaire, par amour des animaux, enseigné la langue yiddish, fut très tôt rattrapé par sa passion fondatrice. Il a à peine 18 ans, qu’il est bombardé administrateur du Théâtre Payro et cofonde le Théâtre Margarita Xirgù. Dès lors il met sa fougue dans un travail de recherche, de production, de mise en lumière de certains artistes : il accueille le Grec Mikis Theodorakis, les Chiliens Angel Parra, Isabel Parra (fils et fille de Violetta), des groupes. Il a 20 ans, et le voici vice-président de la coopérative Théâtre Lassalle. Dans les années qui suivent, il va produire des films pour la télévision et des spectacles.
En 1975 intervient un événement déterminant : le Théâtre Payro accomplit une tournée en Allemagne et en France. La troupe est invitée au festival universitaire international de Nancy. Jack Lang l’a fondé et le dirige encore. Repéré, Ariel Goldenberg intègre l’équipe. Il s’appuie sur une autre tournée du Payro en Amérique Latine (Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Porot-Rico, Costa-Rica, Panama) pour prospecter pour Nancy en même temps, il devient adjoint à la programmation du festival de Caracas, occasion de traverser l’Atlantique. Il vivra à Caracas durant quelques années, sillonnant l’Europe mais aussi l’Afrique.
Il est un lien, un messager. Il se prend d’affection pour l’Italie, et longtemps il va s’occuper de Vittorio Gassman qui ira jusqu’à Bobigny pour jouer ! Il travaille partout, Ariel Goldenberg, à Florence comme à Madrid où il est directeur du Festival International. Polyglotte époustouflant, il parle espagnol, italien, portugais, anglais, allemand, et yiddish, on l’a dit. C’est l’homme providentiel à qui chacun fait appel. Il possède un goût sûr, il est fidèle. Il connaît tous les rouages d’un montage, d’une tournée. Il est efficace et sous ses dehors bonhomme, il est rigoureux et efficace.
Dario Fo comme Peter Brook le savent. Il veille sur le futur prix Nobel et organise la tournée en Allemagne et en Italie du Mahabharata.
En 1989, il est choisi pour succéder à René Gonzalez pour diriger la MC93 de Bobigny. Des années fastes, plus de dix années, dans le droit fil des choix de Gonzalez et ceux à venir de Patrick Sommier. C’est lui qui va faire venir Peter Sellars jusqu’au boulevard Lénine ! On pourrait citer des dizaines de spectacles inoubliables présentés alors, sur ce plateau immense où le Festival d’Automne a ses habitudes. Au début, il conserve la direction du Festival de Madrid, mais bientôt il choisit la Seine-Saint-Denis, exclusivement avant d’accepter la direction du Festival d’Automne de Madrid, de 2000 à 2016.
Pardon si l’on confond les venues, mais sous sa direction, on a applaudi à la MC93 puis à Chaillot, où il est nommé en juin 2000, des Deborah Warner, Frank Castorf, Martial Di Fonzo Bo, Simon Abkarian, André Engel, Philippe Decouflé, Jean-Marie Patte, Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret, tant d’autres.
On ne comprit pas pourquoi on brisa son élan à Chaillot, en 2008. On voulait en faire un temple de la danse…Mais le théâtre reviendra dès la saison prochain en 2021-2022.
On donna des missions à Ariel Goldenberg, chevalier de la Légion d’Honneur, du Mérite, des Arts et Lettres. Mais rien qui soit à la mesure de ses savoirs, de ses carnets d’adresse comme on dit dans les couloirs de la rue de Valois, de son amour merveilleux des êtres. Il adorait Jean-Baptiste Sastre qui aujourd’hui, seul en scène, fait triompher Charles Péguy, Notre jeunesse, à Avignon. Il suivait avec passion de travail de Nora Granovsky, metteuse en scène. Deux exemples, parmi d’autres. Dans sa maison de Nîmes, avec Andrea, sa femme, si belle et savante –et polyglotte, elle aussi ! – il accueillait les vieux amis comme les tout neufs. Il aimait, il aidait. Un passeur bienveillant qui nous manquera toujours.