Vive la jeunesse !

Au Vieux-Colombier, les jeunes de l’Académie de la Comédie-Française, présentent une pièce de l’écrivain suédois Rasmus Lindberg, Habiter le temps. Beaucoup d’intelligence et de talent, de très légères faiblesses.

Chaque saison depuis 2009, la Comédie-Française intègre auprès de la troupe des jeunes qui sortent des grandes écoles d’art dramatique. Le plus souvent, trois jeunes filles, trois garçons, qui se destinent au jeu et trois autres personnalités : scénographie, costumes, dramaturgie. En cette fin de saison, on peut découvrir au Vieux-Colombier, deux spectacles presqu’entièrement conçus par ces jeunes que l’on a repérés, pour certains, dans des productions de la maison. Habiter le temps, d’un auteur contemporain suédois, Rasmus Lindberg, est donné par la promotion 2020-2021, Le Roi s’amuse de Victor Hugo, par la promotion 2019-2020, invitée à demeurer une année de plus, étant donné l’empêchement lié aux confinements et suspensions du travail. Alors que cette année, rappelons-le, répéter était autorisé…

Ils sont treize en tout. Et la notion de « promotion » est poreuse.

Scénographie de Chloé Bellemère. Photos de Chloé Bellemère. DR.

La même scénographe,  Chloé Bellemère, la même costumière, Claire Fayel, pour les deux mises en scène. Habiter le temps est dirigé par Leah Lapiower, Le Roi s’amuse par Aurélien Hamard-Padis.

Pour le moment, seule la première pièce a été donnée. Leah Lapiower nous permet de découvrir un auteur peu connu en France. Traduite par Marianne Ségol-Samoy, avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, la pièce fait coexister dans un même espace, trois générations, trois couples. Erik et Kristin, Stefan et Caroline, Myriam et Hannele. Ils sont liés par la maison, par les liens familiaux, des grands-parents, aux parents et petits-enfants.

Impossible de retrouver dans quelle pièce, venue du Nord, elle aussi, on a vu une femme être hantée par ceux qui l’avaient précédée dans un appartement…Elle existe.

Plusieurs générations, plusieurs temporalités, plusieurs dialogues/ Photo de Chloé Bellemère. DR.

Peu importe. On s’en tient de bon gré à la ronde de Rasmus Lindberg et aux périodes qu’il cerne : 1913, 1968, 2015 (ou 21…). La fluidité des passages est assurée par une suite de dialogues dont les premières répliques reprennent peu ou prou les dernières entendues. Les mots font le lien.

Au commencement, il y a un drame terrible qui va marquer les générations qui suivent, qu’il soit ou non conscient. N’en disons pas plus. La couleur dominante est très psychologisante. Héritons-nous des tragédies qui nous précèdent ? Comment cela peut déterminer le caractère de chacun ? Comment rompre ce fil qui ligote ?

Clémentine Billy est grande, déliée, voix bien placée, avec une autorité naturelle qu’elle abandonne pour être cette femme blessée. Nicolas Verdier, présence, finesse, donne à Erik une maturité qui n’apaise pas l’égoïsme. Ils sont excellents, bien accordés, d’entente à séparation, disparition, en passant par un épouvantable accident.

Leur enfant, Stefan, souffre. Il est marqué, physiquement, psychiquement. Il construit un roman familial qui n’est pas forcément celui d’une simple vérité. Antoine de Foucauld, grande dégaine, est une personnalité forte. Face à lui, Caroline, Chloé Ploton, est touchante en psy qui s’égare.

De belles images par-delà le propos intéressant et original, dans les lumières changeantes de Philippe Lagrue. ©Chloé Bellemère

Viennent enfin Myriam, Salomé Benchimol, enfantine, fragile apparemment, mais solide, décidée, et Hannele, Camille Seitz, belle interprète au registre très large, en une partition qui lui permet d’exprimer tous ses dons.

Ils sont bien distribués, très bien dirigés par Leah Lapiower, qui a de la poigne, mais beaucoup de douceur. Dans le décor inventif de Chloé Bellemère –on vous en laisse la surprise- elle trouve le juste ton, les bons rythmes.

On ne lui adressera qu’un petit reproche : les scènes de danse et de chant sont trop longues, la fin s’étire sans raison.

Etre sur un plateau. Raconter une histoire, ou trois, ou bien plus encore. « Par où commencer ? » demandait Roland Barthes, il y a bien longtemps. Comment finir se sont demandé ces jeunes. Ou sans doute leur metteuse en scène, Leah Lapiower. Et ils ont orné les dénouements, de chant, de musique et de danse. Tant, qu’ils ont affaibli ce qu’ils avaient proposé auparavant.

Dommage, évidemment. Mais pas de quoi ne pas voir les qualités profondes de ce travail sérieux, pensé, mis en œuvre avec intelligence et qui témoigne de l’excellence d’un groupe.

Autre représentation ce 15 juillet à 16h00. Durée : 1h40. Prochain rendez-vous, les 21 et 22 juillet, à 18h00 avec Le Roi s’amuse de Victor Hugo.

Entrée libre sur réservation : 01 44 58 15 15.

comedie-francaise.fr