Bill C Davis, le théâtre comme questionnement

L’écrivain américain s’est éteint, vaincu par la maladie. En France, on le connait surtout par deux pièces, Mass appeal, L’Affrontement traduit également Transmission, et, Les Voeux du cœur.

Un homme grand, élégant, mince et athlétique. Un homme dans la force de l’âge, revenu à Paris il y a quelques mois, une ville qu’il aimait et connaissait, appréciant particulièrment Montparnasse et Saint-Germain des Prés.

En mars 2020, la dernière production de sa pièce Mass appeal avait été frappée par le premier confinement. C’était une mise en scène de Steve Suissa avec Francis Huster et Valentin de Carbonnières, dans une traduction de Davy Sardou, qui, quelques années auparavant, avait lui-même joué la pièce. Les représentations, au Théâtre Hébertot, avaient été suspendues. On espérait une reprise de cet Affrontement. Hélas…Un an plus tard les artistes disent leur désarroi, mais rien n’a bougé. Le public n’est plus admis dans les salles de théâtre ou de cinéma, ou les salles de concert.

L’auteur dans ses jeunes années alors qu’il a déjà écrit « Mass appeal ». DR.

Bill C Davis, est un Américain traversé par la vieille Europe : une mère italienne, un père irlandais. Il est élevé dans la foi catholique et même si, comme il l’avait expliqué il y a un peu plus d’un an à Gilles Costaz (cf.L’Avant-scène 1478), la lecture du Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud l’avait secoué, il était demeuré profondément ancré dans les interrogations de sa toute jeune enfance.

Il avait encore beaucoup à écrire. On avait hâte de voir ses pièces (dont certaines composées à Paris) montées. Incarnées. Bill C Davis, né en 1952, a été vaincu par la maladie. La covid l’a touché, mais c’est à cette occasion que l’on a découvert le cancer métastasé qui l’a emporté. C’est son agent littéraire en France et dans les pays francophones, Marie-Cécile Renauld, qui a dû nous l’annoncer.

Reste que les deux pièces par lesquelles on le connaît vraiment en France, sont celles qui posent des questions à la religion catholique. Mass appeal, qui a fait sa gloire et sa fortune mondiale, date de 1980. Tout jeune, il bâtit un affrontement –oui, plus qu’une transmission… Une pièce qui, résumée, peut paraître démonstrative. Mais c’était l’art de cet écrivain : tout passait par l’humain, une délicatesse à donner aux personnages des personnalités fortes, des pensées profondes, mais sans rien souligner.

Afficje de « Transmission », dernière production à Paris. DR.

C’est pourquoi, partout à travers le monde, les comédiens ont aimé le jouer et, partout à travers le monde, ce sont eux qui ont donné de l’épaisseur aux personnages. En France, Jean Piat, bien sûr, qui avait traduit avec sa fille Dominique Piat, Mass appeal, puis l’avait créée en France, avec Francis Lalanne.

D’autres interprètes : Francis Huster, bien sûr, et puis Valentin de Carbonnières, dans la dernière production, et, entre temps, dans Les Voeux du cœur, en 2015, une mise en scène d’Anne Bourgeois, dirigeant Davy Sardou, Julien Alluguette, Bruno Madinier, Julie Debazac. C’était au La Bruyère. Un très intéressant spectacle, remuant des questions graves, notamment sur la tolérance de l’Eglise catholique face à l’homosexualité.

En 2015, au La Bruyère, « Les Voeux du coeur ». Affiche. DR.

De très intéressants spectacles, affrontant avec intelligence et sensibilité, les questions lancées par l’écrivain qui avait encore beaucoup à nous dire, beaucoup à écrire.

Transmission a été publiée par L’Avant-scène théâtre (14 février 2020, N°1478, 14€), Les Raisons du cœur par L’Avant-scène collection des Quatre vents.

La traduction de Jean Piat et Dominique Piat avait été publiée dès 1996.