Catherine Lachens, une enfant blessée

Très forte personnalité, beauté au physique solaire et à l’intelligence radieuse, elle s’est battue, silencieuse, pendant plus de sept années contre un cancer. Ses amis lui diront adieu samedi, à 13h00, en l’église Saint-Roch, à Paris avant l’inhumation à Céret.

Grande, blonde, avec un visage aux traits clairement dessinés, cheveux courts la plupart du temps, visage dégagé, vague frange légère, parfois, écarquillant ses yeux immenses et clairs, bleu gris ou vert selon les vêtements et les ciels, Catherine Lachens était une sacrée belle femme. De la stature des statues. Impressionnante, intimidante, et si vulnérable pourtant.

Elle était brillante et singulière, rétive et candide à la fois, une enfant. Une enfant blessée qui s’est éteinte le 27 septembre dernier après sept années de bagarre conte le cancer. Pudiquement son entourage n’évoque que quelques mois. Mais ce sont bien sept années qui se seront écoulées depuis les premiers traitements. Le personnel médical, tout le personnel, de l’hôpital où elle fut magnifiquement soignée, l’adorait. Catherine Lachens, on ne pouvait que l’aimer. Elle impressionnait, on l’a dit. Et même, allons plus loin, Catherine dérangeait les tièdes. Elle prenait tant de place !

Au Conservatoire national d’art dramatique, elle avait reçu son premier prix de Comédie, en juin 1972.  Avec André Dussollier et Francis Perrin. Un concours, et parfois plusieurs lauréats. Sa carrière avait démarré sur les chapeaux de roue. Cette année-là, elle avait également obtenu le premier prix de tragédie.

Les routes du succès s’ouvrirent aussitôt. Elle avait de l’esprit. Elle débordait d’amour, elle n’était pas complètement sûre d’elle. Sa légende veut qu’elle ait fait des voyages au loin sur une mobylette, avant de se former à l’art dramatique.

Mais surtout, Catherine Lachens était née sous le ciel du double. Le 2 septembre 1945, à Boulogne, ils sont deux. Elle, et Eric. Inséparables. Au miroir l’un de l’autre. Son semblable, son frère. Il dessine, il peint, il se forme en Italie. Ses tableaux se vendront. Il est, comme elle, mélancolique. Il va mourir en 1989. Sa sœur, ravagée, ne retrouvera jamais d’heures heureuses. Malgré le succès, au théâtre, au cinéma, et même à la télévision. La crémation, au Père-Lachaise, s’accompagne d’une cérémonie aussi déchirante qu’inoubliable. Dans le jardin, à côté de la grande coupole, les bouchons de champagne sautent. Il y a là l’auteure dramatique Odile Ehret et son mari Olivier, Bernadette Le Saché et Jean-Louis Bauer, Christine Fersen, sociétaire de la Comédie-Française, aussi extravagante et talentueuse que Catherine.

De ce moment Catherine Lachens ne fut plus jamais la même. Elle disait qu’elle lui en voulait d’être mort, mais jamais le lien ne fut rompu avec ce frère.

On ne sait plus de quand date la séquence qui lui valut le plus haut cachet de sa vie et sa plus large reconnaissance : la publicité pour le papier de toilette Le Trèfle ; aussi élégante qu’une hôtesse, présentant des bijoux chez un joaillier de la Place Vendôme, elle soumettait aux regards pluriels, des tons, des qualités. Cela fit sa gloire.

Pas de quoi la rendre amère. Elle était beaucoup trop intelligente et blessée, pour ne pas savoir que l’on pouvait connaître pire.

Catherine Lachens a travaillé autant que cela lui a été possible. Au cinéma, avec Paul Vechialli , et beaucoup de grands réalisateurs, mais aussi, mais surtout avec Gazon maudit ou plus tard Les Bidochon, clairement moins ambitieux, mais lui apportant la joie et l’offrant au public.

Elle a beaucoup été au théâtre, applaudir ses camarades ou découvrir de jeunes talents. Elle aimait que ses vestes glissent sur ses épaules. Elle avait de la classe. Elle était d’un aloi supérieur. Pour tous ses films, pour toutes les pièces dans lesquelles elle a joué, voyez sur les sites. Companeez, Deray, De Broca, Pirès, Coggio, Lautner, Bunuel, Pierre Richard qui l’a saluée affectueusement, Zidi, Barouh, Granier-Deferre, Lelouch, Féret, Balasko, Vernoux. Fellini l’adorait. Ne l’oubliez pas. Au théâtre, elle avait joué avec le très jeune Mesguich, avec Weingarten, Planchon, Ronse, Maréchal, Rosner, Lluis Pasqual, Benoin, tant d’autres. Elle était grande de cœur, d’intelligence, de beauté, de talent. Elle n’a pas obtenu la reconnaissance qu’elle aurait dû recevoir. Elle était très aimée.

Samedi 7 octobre, à 13h00, en l’église Saint-Roch de Paris, seront célébrées ses funérailles. Le convoi prendra le chemin de Céret où elle rejoindra le caveau de famille.