« Check Up », cauchemar à partager joyeusement

La pièce de Sébastien Thiéry, mise en scène avec soin par Jean-Louis Benoit, est un régal de férocité cocasse. Très bien entouré, Bernard Campan incarne un homme en qui nous nous reconnaissons…

Qui n’a connu, pénétrant dans un hôpital, une légère angoisse ? Que l’on s’y rende pour une visite de routine, pour un examen sophistiqué ou que l’on aille, simplement, visiter un proche, on est pris d’entrée dans un mouvement déstabilisant. Qu’il faille suivre les lignes colorées du chemin qui pourrait vous conduire au bon service, qu’il faille se soumettre à l’autorité de l’administration ou d’une infirmière, on se sent réduit à peu de chose. Infantilisé.

C’est cette situation kafkaïenne que l’on suit dans Check Up, comédie très réussie de Sébastien Thiéry. Un argument simple : un homme, agent immobilier en bonne santé, est convoqué par un médecin-chef. Il comprend confusément qu’il s’agit d’une erreur. Mais sa femme le pousse à se rendre au rendez-vous. Et l’accompagne.

Bernard Campan laisse sourdre d’entrée l’irritation de devoir se soumettre à ce rendez-vous dont il sait qu’il est infondé. Peu à peu, l’angoisse monte, comme une brume et son visage se fige, son regard oscille, de fixité à panique. Jean-Marc est pris entre la rigide sollicitude de son épouse Laurence, l’excellente Valérie Kéruzoré, et la machine qui s’est mise en route, inexorable.

On ne détaillera pas ici toutes les étapes de ce chemin de croix. Mais ce qui est formidable, dans Check Up, c’est que tout est ressemblant. On reconnaît jusqu’aux murs et aux tons de l’hôpital…On reconnaît la rugosité des êtres humains, peu nombreux, qui, dans leurs blouses blanches, vous prennent en mains.

De Karl, qui accueille puis surveille, merveilleusement interprété par Emil Abossolo M’Bo, qui s’amuse à jouer l’autorité inquiétante, à Florence Muller, infirmière sans état d’âme, qui se délecte dans une composition irrésistible, Jean-Marc/Bernard Campan est pris dans des rouages qui l’écrabouillent.

Il va se retrouver à devoir partager la chambre d’un homme nommé Wilfrid, qui est là parce qu’il rétrécit…Qu’il suffise de dire que Manuel Le Lièvre offre sa merveilleuse personnalité à cette victime un peu dérangée, et l’on saura que l’on va rire et rire encore. Et être ému.

Car, malgré le cauchemar à la Kafka, malgré l’absurdité de la situation et des événements, malgré l’humour ravageur, malgré la causticité de l’auteur, Sébastien Thiéry –qui ne peut s’empêcher de détruire ce qu’il y a de vraisemblable dans Check Up en inventant des découvertes impossibles –mais chut ! – et bien l’on a de la compassion pour les compagnons de chambrée !

On rit beaucoup grâce à cette comédie. On rit beaucoup en reconnaissant des moments partagés et en admirant l’art subtil de ce groupe d’interprètes, formidablement bien dirigés par un maître de la mise en scène, qui comprend Sébastien Thiéry et a réuni des as du jeu. Ce spectacle doit beaucoup à la finesse de direction, à la fermeté de Jean-Louis Benoit.

Théâtre Antoine, à 21h00 du mercredi au vendredi, à 16h00 et 21h00 le samedi, à 16h00 le dimanche. Durée : 1h30. Tél : 01 42 08 77 71.

www.theatre-antoine.com