Avec Un furieux désir de bonheur, Olivier Letellier signe en compagnie de ses amis l’écrivain Catherine Verlaguet, le chorégraphe Sylvère Lamotte, notamment, un merveilleux spectacle plein de vitalité et d’intelligence.
Deux représentations. Deux représentations données sur le plateau des Abbesses-Théâtre de la Ville, filmées et diffusées en direct par les virtuoses de la caméra de la société Multicam : cadre, Néhémie Lumande, réalisation, Colin Bernard. Ce sont les équipes de Multicam (et ici « Live » !) qui travaillent depuis plusieurs mois avec le Théâtre de la Ville, à l’Espace Cardin (Ionesco suite, par exemple, ou Alice) ou bien aux Abbesses.
Les 26 et 27 février, artistes sur le plateau, quelques privilégiés professionnels dans la salle, des milliers de spectateurs, à commencer par des enfants, et des enfants malades hospitalisés, ont pu suivre les représentations. Belles images, beaux cadrages. Et le frisson du direct.
Un furieux désir de bonheur est une « pièce » d’une heure quinze, d’une époustouflante fluidité –danse, mouvement, son, voix- et d’une précision d’écriture très surveillée. Et puis, sur le plateau, sept interprètes menés par une aînée aux cheveux de feu qui joue une septuagénaire aux allures d’adolescente, Geneviève de Kermabon. Une fille des airs, une acrobate, mais une comédienne, une conceptrice de spectacles délicats et profonds à partir de paroles cueillies, recueillies. Une grande artiste qui galvanise et partage. Un avoir de chaman et une fraîcheur d’enfant.
Reprenons : Olivier Letellier, qui passa autrefois par la grande école de Jacques Lecoq, ne cesse d’imaginer des moments spectaculaires qu’il destine à la jeunesse, mais qui vont droit au cœur des adultes. On ne refera pas ici tout son parcours, mais ses productions, soignées, longuement mûries, sont toutes plus touchantes les unes que les autres.
En édition, lorsqu’un livre se vend sur plusieurs années, on parle de « longue traîne » (comme les comètes dans le ciel). Les spectacles d’Olivier Letellier sont des objets célestes de ce genre…Ils durent. Ils portent une part d’éternité : vérité, sincérité, précision d’horloge et interprètes époustouflants, voilà le secret.
Pour Un furieux désir de bonheur, il a laissé du temps au temps et réuni des artistes touchés par son désir de parler du désir. De la vie. Cette année, le Printemps des poètes (qu’en verra-t-on, on ne sait, a choisi le « thème » du désir.
Résumons : il y a de l’encre, celle de Catherine Verlaguet, il y a du son, celui de Mikael Pluman, des lumières et de l’espace, Sébastien Revel. Il y a une chorégraphie magnifique et exigeante qui ne laisse guère de répit aux interprètes et dont nous pourrions parler longuement. Une danse essentielle, comme on dirait une huile essentielle. Un précipité de déplacements, de gestes, de glissades, de portés, jusqu’aux acrobaties de virtuoses. Une harmonie qui bouleverse.
Ici, des talents en une effervescence extraordinaire.
On ne vous racontera pas tout…Laissez-vous porter, éblouir, laissez-vous bouleverser, sourire, rire, pleurer. Désirer c’est vivre. C’est aller au-delà. Ainsi, dans les costumes de Juliette Gaudel, applaudissez, Mraie-Julie Debaulieu, Zaïna, Jeanne Favre, Elise, Thomas Guené, Charli, Ninon Noiret, Sarah, Jules Sadoughi, Eric, Matéo Thiollier-Serrano, Ali. Et, devant eux, avec eux, la princesse des airs, Geneviève de Kermabon.
Dirigés avec tact, intelligence, autant de fermeté que de finesse par Olivier Letellier assisté de Jonathan Salmon, ils sont un bouquet extraordinaire. Ils disent. Ils jouent. Ils échangent. Ils sont éloquents par le verbe comme par le corps. Ils sont rares et bouleversants. On en reparlera plus longuement, mieux.
Une tournée devait suivre, à retrouver sur le site du Théâtre de la Ville. On espère que les dates de mai seront possibles.