Dans « Madame Pylinska et le secret de Chopin » qu’il joue accompagné par le pianiste virtuose Nicolas Stavy, l’écrivain se penche en souriant sur sa jeunesse.
Eric-Emmanuel Schmitt aime, de temps en temps, se risquer en scène. Quatre ans durant il a joué Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, de France aux Etats-Unis, du Canada au Liban en passant par l’Italie. Un de ses très beaux textes, Monsieur Ibrahim. Comme Oscar et la dame rose. Eric-Emmanuel Schmitt ne craint jamais de puiser dans sa vie même ou dans des expériences qu’il connaît de près.
Il vient de consacrer à son enfance, à son adolescence, un très beau livre. La figure centrale en est sa mère. Une championne d’athlétisme, une femme forte et très aimante. On plonge dans la famille. On apprend à connaître son père, sa sœur, son entourage actuel. Journal d’un amour perdu (Albin Michel) est une histoire très bouleversante. Une part de récit autobiographique transfigurée par l’écriture, des aveux très sincères et des bouffées spirituelles, des scènes drôles. On a le cœur déchiré mais on rit parfois.
C’est aussi vers sa jeunesse qu’Eric-Emmanuel Schmitt se retourne pour nous raconter Madame Pylinska et le secret de Chopin. Le grand piano occupe le plateau côté jardin. A cour, un petit espace, hors scène, comme le bureau de l’écrivain qui raconte, un petit bureau d’étudiant. Au milieu, une sorte de salon, un fauteuil, un guéridon, un paravent.
Eric-Emmanuel Schmitt a grandi avec un piano, un mauvais piano droit, mais il l’avait un petit peu adopté, dompté…Admis rue d’Ulm, à l’école normale supérieure (ENS) en philosophie, bientôt agrégé, il a envie d’apprendre bien à jouer et contacte une professeure de piano, Madame Pylinska.
Elle est slave, elle roule les « r », elle est très excentrique, elle a une méthode bien à elle. Elle donne le sentiment de tout faire pour décourager ses élèves. Elle a un côté chaman, sinon sorcière ! Elle impose de bizarres exercices au jeune homme…
On rit beaucoup au cours du spectacle. Certains épisodes de ce chemin d’apprentissage sont très drôles. Mais comme toujours avec Eric-Emmanuel Schmitt, on est dans le sentiment. Dans le partage des émotions.
On l’a dit, l’écrivain lui-même est en scène. Chemise blanche, pantalon noir, il enroule autour de son cou une sorte d’écharpe couleur de renard, et il est Madame Pylinska.
Il ne compose pas. Il demeure lui-même, avec sa forte présence, sa manière d’avoir une étincelle de joie dans l’œil. On l’a dit, il se contente de rouler les « r » et l’on entend cette femme aussi touchante que rugueuse !
Ce qui fait la force de la représentation, c’est la présence de Nicolas Stavy. Un pianiste très fin qui interprète des pages magnifiques de Frédéric Chopin. Des pages très difficiles. C’est superbe.
On est loin d’un spectacle qui ferait alterner parole et musique. Il y a là un dialogue, une construction subtile. Les deux artistes se connaissent bien et, soulignons-le, Eric-Emmanuel Schmitt est un musicien véritable. Chopin n’est pas là pour illustrer. Il est la source et la structure.
Pascal Faber signe une mise en scène délicate. Un très beau moment accessible et exigeant, une merveilleuse nouvelle rencontre de Nicolas Stavy et d’Eric-Emmanuel Schmitt. Un grand moment à partager.
« Madame Pylinska et le secret de Chopin », Rive-Gauche, à 20h30 du mardi au samedi, dimanche à 15h00. Durée : 1h50.
Jusqu’au 29 septembre. Tél : 01 43 35 32 31.