En quelques années et quelques pièces, ce jeune artiste italien, qui écrit, met en scène, joue, a imposé une manière profonde et originale de faire vivre des personnages attachants. Sa dernière création se donne, dans le cadre du Phenix Festival. Un pas après l’autre réunit Catherine Arditi, Nathalie Cerda, Sonia Palau et Fabio Marra lui-même.
Les pièces de tissu que l’on découvre, empilées sur des étagères, le grand plateau du meuble central, avec ses tiroirs et son désordre de travail, font immédiatement comprendre que l’on est dans un atelier de couture. Audrey Vuong qui a conçu cette scénographie en enveloppement, a suivi les idées de l’auteur du texte Un pas après l’autre. Un titre qui n’éclaire en rien ce qui va se passer…
Chez les sœurs Mazzella, on est dans une très mauvaise passe. Malgré la réputation de leur maison de couture, malgré leur clientèle exigeante et fidèle, elles ont peu à peu glissé et se sont abandonnées aux malversations d’un comptable éloigné de tout scrupule.
Ruinées, au bord de la faillite, elles ont lâché les beaux espaces pour se replier dans une ancienne loge. C’est là que vit, enfermé dans sa chambre depuis huit ans, Matteo, le fils de la plus jeune des deux sœurs, Arianna.
Un enfant non désiré, sans père, un enfant embarrassant et qui a dû affronter une très dure épreuve –on l’apprendra vers la fin de la pièce. Jeune homme interdit, il rêve étoiles, lointaines galaxies, départ pour l’espace…
L’aînée des deux sœurs, est l’intraitable patronne. Daniela. Une femme ambivalente, jusqu’à l’injustice, parfois. Ajoutons la plus jeune des figures féminines de la pièce : Lisa, venue d’ailleurs que de ce trio de douleur et qui va contribuer à dénouer les liens qui étranglent.
Fabio Marra, qui signe la mise en scène de son texte et joue Matteo, n’en fait pas un simple « hikikomori » à la japonaise. Si la société est en cause dans le mal être du jeune homme, l’écrivain s’intéresse à sa personnalité profonde. A sa singularité, sa personnalité unique.
C’est ce qui retient, immédiatement, dans Un pas après l’autre. Les personnages ont une épaisseur humaine, une complexité. C’était le cas dans Ensemble, qui d’Avignon au Petit-Montparnasse, a valu à Catherine Arditi, le Molière de la meilleure comédienne et trois saisons d’émotion. Depuis, Ensemble a été traduite et jouée dans de nombreux pays avec un très grand succès.
On retrouve avec un grand bonheur la comédienne applaudie il y a quelques mois dans Madame Zola de Annick Le Goff. Elle est Daniella, l’aînée. Femme de tête, qui aimerait que chacun pense qu’elle est une femme de fer. Et, on l’a dit, elle n’est pas un caractère facile. Mais elle a du cœur. Catherine Arditi, voix acide et présence forte, est idéale. Face à elle, Nathalie Cerda, merveilleuse de sensibilité, frémissante, douloureuse et digne, est Arianna. Toutes les deux sont fines, mélodieuses, accordées avec profondeur et grande intelligence à leurs personnages. Sonia Palau, qui est italienne, familière du monde de Fabio Marra, est remarquable en Lisa.
Quant à lui, qui dirige avec tact ces trois superbes interprètes, il est un Matteo bouleversant, mais sans sensiblerie. Il donne à comprendre tout ce qui déchire le jeune homme, et son âme pure.
C’est vraiment du beau travail, du grand théâtre, d’émotions rares et de vérité.
Les lumières de Laurent Béal, les musiques de Claudio del Vecchio, les costumes de Pauline Yaoua Zurini, complètent la qualité grande de cette production.
On espère que ce spectacle, vu il y a quelques semaines au SEL de Sèvres et qui va se donner à Noisy les 14 et 15 juin, dans le cadre du premier Phénix Festival mis en place par Sandra Vollant, sera à l’affiche d’une salle parisienne, à la rentrée ou dans la saison 2021-2022.
En ce mois de juin 2021, alors que les spectacles reprennent, soyez au rendez-vous du plaisir de rire et de pleurer, d’être au théâtre, comme en voyage.
Un pas après l’autre, à 20h30, mardi 15 et mercredi 16 juin. Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand. Le texte est publié par L’Avant-Scène Théâtre.