Franz Kafka, entre imagination et quotidien

Sylvie Blotnikas signe la traduction, l’adaptation de textes et de lettres de l’écrivain. Elle joue, au côté de Julien Rochefort, ce spectacle intéressant et touchant.

Il faut grimper jusqu’au Paradis, la petite salle, le grenier du Lucernaire. Dans la proximité des comédiens. Un décor simple de bureau, dans un coin.

On connaît bien Sylvie Blotnikas et Julien Rochefort et on apprécie beaucoup leurs travaux. Ils ont su se frayer un chemin singulier avec des spectacles très plaisants tels Antoine et Catherine, Strictement amical, entre autres.

Ils se sentent bien, également, au cœur de la littérature française ou étrangère. Ils proposent des moments de théâtre d’une grande sensibilité, d’une probité profonde.

Après le remarquable Victor Hugo : Pyrénées ou le voyage de l’été 1843, qui était la première adaptation signée de Sylvie Blotnikas et dans lequel Julien Rochefort était bouleversant, voici donc Les Récits de Monsieur Kafka.

Une traversée qui nous conduit en un va-et-vient très éloquent, des nouvelles de l’écrivain, à sa vie quotidienne, sa vie de bureau. Sa vie d’employé modèle, mais qui ne craint pas de proposer, avec une exquise politesse, mais une fermeté certaine, des changements dans son parcours. Il demande également des congés car la tuberculose rend sa vie très difficile et il faut souvent qu’il séjourne, parfois longuement, au sanatorium.

Sylvie Blotnikas, Julien Rochefort. Un duo d’excellence. Photo Fabienne Rappeneau. DR

On ne connaissait pas cette partie-là des lettres de Franz Kafka, et c’est vraiment bien intéressant. La compagnie d’assurances où il gagnait sa vie semble le respecter. Jusqu’à sa mort, en 1924, il adressa à ses supérieurs ces courriers très étonnants car ils dévoilent quelque chose du « vrai » Kafka, même si, on le sait, il est plus « vrai » dans l’écriture…

Un petit coin bureau, seul décor, et deux comédiens fins et intelligents. Sylvie Blotnikas et Julien Rochefort. Photo : Fabienne Rappeneau. DR.

Le montage est très pertinent et les parties des nouvelles sont également bien mises en lumière. Il y a douze « récits », tous étonnants, avec toujours la touche de fantastique dans les notations les plus simples, le regard sur le réel. Et beaucoup d’humour, d’esprit. On sourit, on rit.

La mise en scène est simple, sobre. Evidemment, Julien Rochefort représente, « est » Franz Kafka. Mais pas seulement. Il est aussi le supérieur hiérarchique qui dit oui aux demandes du singulier employé.  Sylvie Blotnikas a trouvé sa juste place dans la représentation.

Ils sont fins, très bien accordés et ce bref moment est un vrai et grand moment qui donne envie de retrouver Kafka de plus près ! Car on le relit sans cesse et sans jamais se lasser…en pensant que son ami Max Brod lui désobéit et ne détruisit pas ses livres, ses écrits…« A tout prix continuer à écrire, il faut que cela soit possible, en dépit de l’insomnie et du bureau », avait-il écrit. Julien Rochefort le cite…

Lucernaire, salle Paradis, à 19h00 du mardi au samedi, le dimanche à 15h00. Durée : 1h15. Tél : 01 45 44 57 34.

www.lucernaire.fr

Jusqu’au 1er mars.