« J’aurais mieux fait d’utiliser une hache » : saignant !

Avant de quitter le navire pour le Rond-Point, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel ont abandonné au Monfort quelques pépites bizarroïdes. Cet ovni dédié au slasher et au grand-guignol en fait partie. 

Il y a des spectacles qu’il faut saluer pour leur simple fait d’exister. Même si inabouti, J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, par sa bizarrerie, par son ambition, par sa façon d’utiliser le théâtre pour ce qu’il veut ici raconter, est doublement remarquable. Sur le plateau de la Cabane (petite salle du Monfort), il faut imaginer une scène de théâtre qui dévoile ses coulisses et sa régie. Ou plutôt, un plateau de cinéma qui ne cache pas son « hors-champ », de la cabine des éclairagistes au studio de bruitage. 

Le premier acte commence par une fiction radiophonique dont l’intrigue prend place lors d’un camp scout aux Etats-Unis dans les années 70. Il suffirait de fermer les yeux, l’histoire serait parfaite. Mais quelques éclairages diffus nous laissent apprécier le travail de bruitage des comédiens, qui s’aident de mille et un objets de tous les jours. Le jeune collectif Mind the Gap nous rappelle d’où vient notre fascination pour l’histoire d’épouvante : des enfants en pleine nuit autour d’un feu de camp, ou sous la tente. Une lampe de poche et un halètement rauque suffisent à exciter l’auditoire.

Le second, plus visuel, rejoue jusqu’à l’épuisement, et jusqu’au dérèglement de toutes les règles narratives et techniques, une scène type slasher movie des années 70 (ces tueurs en série masqués qui déciment une bande de jeunes). Le dernier, une parodie d’émission de radio intello, est un bijou d’écriture et de jeu. Rouages d’une mécanique de grande précision, les cinq comédiens n’oublient pas de prendre du plaisir sur scène. On n’en dira pas plus sur les procédés utilisés, parce qu’ils font tout le sel et le propos du spectacle. C’est magnifiquement artisanal et redoutablement intelligent dans sa manière d’utiliser beaucoup de moyens mais peu d’argent. 

Le jeune collectif Mind the Gap fait le lien entre un genre théâtral éteint, le Grand-guignol, et le film d’horreur des années 70, qui a conditionné tout un pan du 7e art. Il nous décortique le procédé de l’illusion – à quels moments fonctionne-t-elle ? – pour rendre hommage à ces deux arts de la tromperie que sont le théâtre et le cinéma. Dans les deux cas, l’hémoglobine gicle par hectolitres. Ici, nous ne sommes pas déçus.

Jusqu’au 18 mars au Monfort (Paris, XVe), tournée en cours de construction.