A la Cartoucherie, dans le cadre de Paris l’été, l’artiste propose sous chapiteau, un spectacle qu’il intitule « Terces », d’un mot qui signifie labourer pour la troisième fois.
Humeurs de festival à la Cartoucherie. On est le 14 juillet. Il est 20h00 et quelque
et déjà beaucoup de personnes sont présentes aux abords du chapiteau. Certaines
boivent un verre ou dinent rapidement. D’autres patientent en bavardant, dans
les humeurs vertes de ce lieu pas comme les autres.
Ariane Mnouchkine est là, qui aime suivre les artistes, qui s’est toujours
intéressée à plus jeune qu’elle et est fidèle. Pause estivale dans les
répétitions du nouveau spectacle que l’on découvrira cet automne.
On aura mis du temps à saluer Johann Le Guillerm car, plongé dans Avignon, il est très difficile d’échapper aux obligations du in, du off, et du travail…Mais on ne s’inquiète pas, car son public le suit et dès ce premier soir, on devinait dans la salle des habitués.
Johann Le Guillerm, écrit, compose, revient en arrière, pousse plus loin la navette comme tissant ses pièces. Plus que jamais, il fait penser, par ce que nous pouvons nommer son « écriture » à Jean-Luc Lagarce.
Bien sûr, lui, son stylet, son kalam, c’est son corps, son être de chair, ses muscles, ses gestes sûrs, sa science de l’acrobatie, des « numéros ». D’ailleurs, comme lors d’un récital, certains spectateurs manifestent leur joie, découvrant les premiers pas de telle ou telle figure, de tel ou tel exploit, qu’ils connaissent, reconnaissent et sont grisés par l’idée de la retrouvaille.
Silhouette mince, coiffure rase et longue à la fois, grand manteau ouvert battant les jambes, c’est lui, tel qu’en lui-même sa perpétuelle recherche le pousse.
Quête d’une perfection, quête de la beauté des figures, quête des enchaînements les plus harmonieux, Johann Le Guillerm a trouvé, avec ce mot de « terces » qui vient du verbe « tercer », labourer pour la troisième fois. Notre grammairien de l’espace, écrit « terces » mais la langue française, apparemment, ne connaît pas de substantif… « Terces » c’est donc « tu terces » … L’expression est principalement connue dans le domaine de la vigne, où le viticulteur pratique parfois le 3ème labour.
De Secret (temps un), à Secret (temps deux), voici donc Terces qui organise cette suite, récapitulatif spirituel des merveilleuses et brèves « scènes » imaginées depuis plusieurs années par Johann Le Guillerm.
Musique d’Alexandre Piques, lumières d’Hervé Gary, assistantes et assistants de piste, qui d’une main sûre, placent certains éléments, sont essentiels pour ces scènes.
Des scènes qui sont autant de prouesses athlétiques et de fascinants exercices d’équilibres. De pièces de bois, notamment. Mais pas seulement. Il s’agit un peu d’une suite de « machines désirantes », d’une précision et d’une délicatesse époustouflantes. De « La Poussière » aux « Archies » ou de « L’avion » aux « livres », révisez votre Johann Le Guillerm ! Une vingtaine de morceaux subtils et hallucinants, qui bouleversent et vous plongent dans une jubilation. Une sorte de griserie.
C’est pour nous, les vieux, c’est pour les enfants, les ados ; c’est magique et palpitant d’une poésie merveilleuse.
Cartoucherie, Espace Chapiteau, Paris XIIème. Jusqu’au 27 juillet, à 21h30. Relâches les 22 et 26 juillet. Durée : 1h30.