Celui qui fut directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis et fit d’Essaion, vingt-cinq ans durant, un lieu de création et de rencontres, s’est éteint fin décembre. Un grand caractère.
Il était un pionnier. Un homme à part, insoucieux des modes et des pensées dominantes. Né le 28 juillet 1932 à Paris, il avait hérité de l’Espagne de ses origines, une intransigeance, une fierté indomptable. Son père était un ouvrier pauvre, travaillant dur, et qui avait tenté de fuir la misère. José acquiert tôt le sentiment de combats à mener. Il s’engage très jeune, à 16 ans, à peine, au PCF. Il en partage les convictions sociétales. Mais il conservera toujours son indépendance d’esprit, sa liberté de pensée en actes.
L’amour du théâtre avait saisi très jeune l’adolescent et, dès ses quinze ans, José Valverde était entré au centre de formation de la rue Blanche. Ses camarades sont Jean-Paul et Jacques Roussillon, Jean Rochefort, Claude Rich, Paul Préboist, Annie Girardot. Comme ses camarades, il est parfois figurant au Français.
Sa vie durant, il saura tout faire sur un plateau : machiniste, régisseur, accessoiriste, préposé aux lumières ou au son, c’est un metteur en scène qui voit tout d’un œil sûr. Il va vite ! Devient l’assistant de Jean-Marie Serreau, travaille au sein de la compagnie André Reybaz, et participe à la création et à la longue tournée, en 51-52, de la pièce écrite par Claude Martin et Henri Dalmas, Drame à Toulon. Un jeune marin, le second maître Henri Martin, 23 ans, comparaît devant la justice militaire maritime, pour avoir distribué des tracts contre la guerre en Indochine. Il avait été arrêté le 14 mars1950. Jugé dans un contexte trouble, condamné, il ne serait libéré que le 2 août 1953. Du théâtre de témoignage, de combat.
Quant au jeune Valverde, homme de théâtre, il doit accomplir son service militaire en Algérie. A son retour, il préfère militer sur le terrain, parmi les travailleurs et s’installe à Saint-Etienne. Le théâtre n’est pas loin : José Valverde va travailler auprès de Jean Dasté à la Comédie de Saint-Etienne et préfère les postes du plateau plutôt que le jeu. Il retrouve Jean-Marie Serreau, participe aux distributions et est engagé au Récamier comme régisseur général.
Bientôt il va fonder sa propre compagnie avec Raymond Gerbal et Henri Delmas. En 1961, le Franc-Théâtre est créé. Il existera jusqu’en 75. Un théâtre itinérant, qui présente, en ceinture parisienne, des pièces puissantes, en prise avec le monde : L’Exception et la règle de Brecht, Sacco et Vanzetti de L. Vincenzoni et Mino Roli, Le Brave soldat Sveyk d’après Haseck. Des pièces adaptées, mises en scène souvent par José Valverde. Dans le droit fil de cette mission soutenue par les tutelles, il va être appelé à d’autres responsabilités. En 1966, il devient directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Il y demeurera dix années, fructueuses. Un pionnier de la décentralisation, comme Gabriel Garran à Aubervilliers.
A Saint-Denis, fut créé pour la première fois en France Hop là, nous vivons ! d’Ernst Toller, ou encore La Politique des Restes d’Arthur Adamov. Mais l’amoureux du théâtre, soucieux du public, monta également Roméo et Juliette de William Shakesepeare aussi bien que Les Trente millions de Gladiator d’Eugène Labiche.
Mai 68 vient secouer le monde du théâtre. Il n’a pas attendu pour agir et les équipes du Gérard-Philipe sont allées à la rencontre des spectateurs. A Villeurbanne, cet homme d’engagement, cet artiste de terrain, ne se reconnaît ni dans les discours, ni dans les décisions. Libre, il quitte les rencontres sans même lire le texte dans lequel pourquoi il ne signera pas la « déclaration » de Villeurbanne. Les barons de la décentralisation, les hommes au pouvoir, apprécient peu cette indépendance.
Mais José Valverde a déjà derrière lui tant de travaux, un si beau chemin, qu’il ne peut être séparé des spectateurs qui l’aiment et iront, fidèles, voir ses spectacles, qu’il prenne la défense d’Angela Davis ou qu’il monte Figaro, côté théâtre et côté lyrique, une tradition de Saint-Denis, portée par Jacques Luccioni, chanteur lyrique, maillon d’une dynastie d’artistes.
En 1976, alors que le public applaudit sa mise en scène de Mère Courage de Brecht, attaqué par la critique, mal à l’aise dans le milieu, il choisit de démissionner de ses fonctions.
Deux ans plus tard, dans les caves médiévales d’Essaion, il prend en mains les destinées d’un théâtre qui va devenir un foyer chaleureux de création. Avec Alida Latessa, il offre les espaces à des auteurs contemporains d’expression française. Une mission qui va donner vie à près de deux cents pièces nouvelles et assurer la visibilité à de nombreuses autres, avec près de cinq cents lectures. José Valverde écrit : Oreste ne viendra plus, Docteur Semmelweiss, La Quête de la femme-oiseau, La Légende de Mademoiselle Trottemenue, Le Procès du général Aussaresses.
Il consacre un ouvrage à la politique : Le Mensonge de la culture nationale et du théâtre d’Etat, paraît en 2007. Parfois, il composait de brefs ouvrages, très informés et porteurs de visions parfois sombres.
Officier des Arts et Lettres, médaille de Vermeil de la Ville de Paris, il s’était retiré mais demeurait très attentif à la vie des arts.
José Valverde s’est éteint le 17 décembre 2021, laissant le témoignage d’une vie au service d’un théâtre exigeant, accessible et chaleureux. Il a formé un public large et curieux, et cela est très précieux.