La grâce féérique de Marie Vialle

La comédienne a adapté et met en scène le roman de Pascal Quignard Dans ce jardin qu’on aimait. Histoire de père et de fille, histoire vraie qui prend une dimension magique, incarnée qu’elle est par Yann Boudaud et la merveilleuse artiste.

Dans le cadre idéal du Cloître des Célestins, avec ses deux immenses platanes dont les feuillages ploient et crissent sous le mistral encore têtu, la scénographie d’Yvett Rotscheid est légère et sensible au vent, elle aussi. Un sol coloré, des pans de tissus clairs, peu d’éléments qui donnent à l’espace, sans le figurer l’idée d’un jardin. Plus tard, des fleurs apparaîtront, jonchant la scène un moment.

L’histoire commence comme une nouvelle à la Edgar Poe. Eva Rosalba, épouse très belle de Simeon, meurt en donnant naissance à leur fille, Rosamund. En mémoire d’elle, le veuf entretient passionnément le jardin dont elle s’occupait. Rosamund grandit en beauté et en savoir : comme son père, elle connaît les plantes et les chants d’oiseaux et de tous les animaux, insectes ou rongeurs, d’un jardin. Mais Simeon ne peut supporter sa ressemblance avec Eva Rosalba et la chasse.

Pascal Quignard s’est inspiré de la vie de Simeon Pease Cheney, qui notait les chants d’oiseaux. A sa mort, Rosamund publia ses écrits : Wood Notes Wild que l’on peut traduire par Notes de la musique sauvage. On est cent ans avant le cher et grand Olivier Messiaen.

Marie Vialle est depuis quinze ans une fidèle de Pascal Quignard. Cinq pièces dramatiques, musicales, poétiques, toujours mystérieuses, énigmatiques, d’une séduction profonde. Avec Dans ce jardin qu’on aimait, elle a puisé dans le livre de l’écrivain, mais aussi dans les pages de Simeon Pease Cheney. Elle signe l’adaptation avec David Tuaillon. Le son est régi par Nicolas Barillot et Joël Hourbeigt a conçu les lumières. Marie a demandé à Yann Boudaud, comédien rare, qui apportait sa densité aux œuvres de Claude Régy, notamment, d’être le père. Elle est la fille.

Elle déploie, en un moment fluide et d’une grâce infinie, toute la palette de ses dons. Très belle, longue, déliée, regard étincelant, elle apporte à Rosamund toute sa sensibilité. Observer son visage alors que son père lui demande de partir, est extraordinaire. La détresse, le chagrin, l’incompréhension, l’acceptation, tout se donne dans le silence de manière bouleversante. Elle est une immense interprète.

Mais ici, il y a aussi sa malice de petite fille jamais éteinte qui agit. Il faut la voir commencer, face au micro sur pied, en faisant le grillon, la sauterelle !

Quel travail ! Quel immense travail que de savoir jouer les oiseaux, les animaux, les brins d’herbe, la pluie, tout. Parfois il y a des duos et Yann Boudaud lui aussi est devenu maître ès chants de la nature. Dalila Khatir a veillé sur le travail vocal et musical.

On ne veut pas raconter plus car il faut voir, ressentir, découvrir. Dans ce jardin qu’on aimait, il faut se rendre. Et vous voudrez y retourner.     

Cloître des Célestins, à 22h00 jusqu’au 16 juillet. Durée : 1h30. Une longue tournée suit à partir de novembre.