Après un délicieux « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, l’an dernier, le metteur en scène retrouve le jardin de la rue de Mons pour une version délurée mais savante de « Don Quichotte ».
Ces grands yeux clairs, ces cheveux blonds, mi longs, cette voix harmonieuse, cette élocution sans défaut, c’est elle, c’est Marie-Noëlle. Formidable artiste que l’on connaît depuis longtemps et dont on a suivi le parcours singulier. Ici, elle est en position de conteur, de narrateur. Elle dit d’entrée le début du livre de Miguel de Cervantès, et l’on est comme des enfants, captivés par le récit.
Cette présence, cette manière de s’exprimer, font énormément pour l’intérêt qui nous saisit immédiatement, dans la nuit douce et fraîche d’Avignon. Ils sont quatre, qui s’égayent sur le sol rapé, sec et caillouteux de ce qui fut l’une des plus belles pelouses de la cité des Papes…Cette aridité du sol peut faire penser à l’Espagne de nos imaginations. Mais il reste de beaux arbres et quelques buissons. De quoi jouer, pour ce quatuor original.
Il est mené, avec une espièglerie de petite fille, par une des plus belles et des plus intelligentes des comédiennes de nos paysages : Jeanne Balibar. Elle interprète le rôle-titre, s’il vous plaît ! Ce n’est pas la première fois que l’audacieuse incarne un homme…Mais n’attendez pas ici quelconque chevalier à la triste figure. Son Quichotte est en chemise de nuit, et, plus tard, en petite tenue.
Ce pourrait être un titre, d’ailleurs : « Quichotte en petite tenue ». Ce serait rendre compte de ce théâtre pauvre et fraternel qui traduit, depuis toujours, la philosophie de Gwenaël Morin. Mais cela ne dirait pas la connaissance profonde de l’œuvre qui guide les scènes.
Pas de micro, ici, et cela nous fait du bien. Rien de solennel. C’est du théâtre de carton et de galopades dans le jardin. Oh ! Les esprits moins aventureux que l’aimable hidalgo, et que Gwenaël Morin, peuvent s’y perdre. Personne ne les retient. On s’amuse pendant deux petites heures vite envolées. Avec Marie-Noëlle et Jeanne Balibar, il y a Thierry Dupont, de la compagnie L’Oiseau-Mouche, qui est un Sancho débonnaire et craquant. Et puis, Léo Martin, ce dernier en alternance avec le metteur en scène lui-même.
Cœurs purs, amoureux de l’enfance, entrez sans crainte dans le jardin. Ne détaillons pas les facéties. On rit beaucoup, on est ému, interloqué, on s’amuse. Et vous sortirez en ayant envie de lire Don Quichotte !
C’est un peu, encore, comme l’an dernier, Le Songe d’une nuit d’été…Tiago Rodrigues a demandé à Gwenaël Morin de choisir, chaque été, un ouvrage en lien avec la langue « invitée ». Après l’anglais, c’est l’espagnol en 2024. L’an prochain, on devrait aller vers l’est ou le nord de l’Europe.
Jardin de Mons, Maison Jean-Vilar, jusqu’au 20 juillet. Relâches les 4, 9, 14 juillet. A 22h00. Durée : 1h50.